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« La fille au bracelet »: Un film de procès à l’ambiguïté saisissante

  • Louis Blanchot
  • 2020-02-07

Connaissons-nous réellement nos enfants ? Avec ce film de procès impliquant une jeune fille accusée du meurtre de sa meilleure amie, Stéphane Demoustier interroge le regard souvent déconcerté des parents face au comportement et à la psyché de leur progéniture. Rythmée par la procédure judiciaire et ses protocoles explicatifs, cette Fille au bracelet navigue pourtant sur une mer d’ambiguïté constante qui dénote une habileté de mise en scène assez inhabituelle sous nos latitudes.

À  43 ans, Stéphane Demoustier a déjà de la suite dans les idées. On peut en effet envisager ce troisième long métrage comme un prolongement de son premier, Terre battue (2014), dans lequel le cinéaste tentait de sonder par petites touches l’ambiguïté du lien filial en faisant courir en parallèle le portrait d’un père en quête d’un nouveau défi professionnel et celui d’un fils féru de tennis rêvant d’intégrer un prestigieux centre de formation. Il s’agissait alors de reconstituer, sans donner l’air d’y toucher, la chaîne de facteurs potentiels qui amena cet adolescent à se rendre coupable, in fine, d’un acte de triche quasi criminel. À l’inverse, La Fille au bracelet s’intéresse à l’après, à l’onde de choc, à travers le quotidien de deux parents accompagnant leur fille à son procès aux assises. Deux œuvres en miroir qui expérimentent le vertige d’adultes en plein désarroi, plongés dans une situation de crise dans laquelle se matérialise l’image d’un enfant qu’ils semblent ne plus comprendre, ou ne jamais avoir connu. Jouant habilement avec les conventions du genre, l’écriture du procès se pare ici d’une efficacité redoutable, permettant à la personnalité de l’incriminée de s’obscurcir à mesure que les faits se révèlent.

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En choisissant de ne jamais statuer sur la culpabilité de son personnage, le film soustrait ainsi l’intrigue criminelle à son impératif de résolution pour livrer le spectateur à un exercice de pur impressionnisme comportemental. Avocats, juristes, experts, témoins : c’est comme si chacun s’emparait de son pinceau pour dessiner collectivement le portrait d’un individu marmoréen dont la caméra enregistre les microréactions et les réponses lapidaires à travers une cage vitrée, comme pour estomper davantage les traits de ce visage sans vie, devenu fantôme sous le poids du mensonge ou de l’injustice. Il faut saluer, à ce titre, le remarquable travail de présence-absence de la jeune Melissa Guers, dont chaque silence est à la fois d’or et de plomb. Une puissance mutique en adéquation totale avec un film brut et en même temps finement ouvragé, qui donne, l’air de rien, beaucoup à espérer pour la suite de la filmographie de son auteur. 

La fille au bracelet de Stéphane Demoustier, Le Pacte (1 h 36), sortie le 12 février
Image: Copyright Mathieu Ponchel

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