Jeunes filles en uniforme de Léontine Sagan (1931)
À la mort de sa mère, une jeune fille est envoyée par son père dans un internat militaire. Dans cet environnement carcéral, la jeune femme va développer des sentiments pour une jeune professeure. Œuvre pionnière du cinéma lesbien, ce film allemand, tourné deux ans après l’accession d’Hitler au pouvoir, déploie un discours antifasciste révolutionnaire, tant sur la forme que sur le fond. Succès critique et public à sa sortie, son questionnement sur la résistance collective et la préservation du libre arbitre face à une violence systémique reste d’une modernité affolante. Et si on s’aimait ?
Le Temps d’aimer de Katell Quillévéré (2023)
Un homme, une femme (François et Maddy), une plage du Nord, une histoire d’amour naissante… Mais c’est un peu plus compliqué que ça. Maddy, enceinte d’un officier allemand, a été tondue à la Libération ; François cache aussi un lourd secret. Si vous êtes allergique aux élans romanesques, passez votre chemin car Le Temps d’aimer est un pur mélo, dans la lignée de Douglas Sirk. Katell Quillévéré signe une fresque âpre et délicate, portée par un duo déchirant (Anaïs Demoustier et Vincent Lacoste).
How to Have Sex de Molly Manning Walker (2023)
Trois adolescentes britanniques partent en vacances pour « vivre le meilleur été de leur vie », aka boire comme des trous, faire la fête et se dépuceler vite. Sur le papier, un springbreak vu et revu. Mais en se plongeant à corps perdu dans ce rite de passage, la jeune réalisatrice en révèle la perversité et la violence, et décortique les dynamiques qui mènent à un passage à l’acte pas forcément désiré. Avec fureur et douceur, elle accompagne ses héroïnes dans leurs errances et leur offre un grand verre de sororité pour se remettre d’un éveil en forme de gueule de bois carabinée.
Spinners de Benjamin Hoffman (série, 2023)
Première série africaine sélectionnée au festival CANNESERIES, Spinners détonne et nous offre une immersion dans les townships sud-africains du Cap, le pied au plancher. On y suit les aventures d’Ethan, 17 ans, tiraillé entre ses activités pour un gang local et son rêve de devenir un champion de spinning – sport motorisé spectaculaire qui consiste à faire la toupie en voiture dans une arène. Spinners est irrésistible car on s’attache immédiatement à son héros (Cantona James) et à la galaxie de personnages qui gravitent autour de lui.
Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini (1945)
C’est un chef d’œuvre inoubliable, choquant, un film fauché qui a saisi une époque, ses tourments et ouvert la voie à la modernité. À la fin de l’occupation allemande, Roberto Rossellini ressent le besoin de descendre dans la rue et de filmer Rome « libérée ». Le film s’ouvre d’ailleurs sur un plan panoramique de la ville, tandis qu’une patrouille allemande chante avant d’encercler la maison d’un résistant, qui parvient à s’enfuir. Rossellini s’attache à ses pas dans une cavale éperdue de trois jours tandis qu’il est aidé dans sa fuite par un prêtre.
La Vie de Jésus de Bruno Dumont (1997)
Freddy vit avec sa mère à Bailleul, dans les terres désolées du Nord de la France. C’est un jeune garçon buté, épileptique, qui traine avec sa bande de copains et sillonne sans but les petites routes sur sa mobylette pétaradante. Freddy est amoureux de Marie, mais Marie, elle, tombe amoureuse de Kader, qui est beau, attentionné, et un peu moins bête que les autres. Le film se précipite alors dans la tragédie, le fait divers abrupt, dérangeant. La Vie de Jésus est un film qui laisse intranquille car Bruno Dumont regarde le mal et le racisme ordinaire droit dans les yeux.
Image : © Nikolopoulos Nikos