« Bizarrement, le film qui me fascinait enfant, c’était L’Effrontée de Claude Miller. Le personnage de Charlotte Gainsbourg est fasciné par une fille qui s’appelle Clara, qui fait du piano, qui a une robe rouge. Elle veut la même robe qu’elle. Moi aussi j’avais ressenti de la fascination pour cette petite fille. Je m’identifiais peut-être au personnage de Charlotte Gainsbourg. C’est un film dont je parle souvent parce que ça m’obsédait enfant, et que je trouve en même temps hyper glauque parce que le regard de cet homme sur ces petites filles est vraiment très étrange. À un moment, l’héroïne baise un peu avec un marin, ça se passe moyennement, quand j’y repense je trouve ça complètement pédo…
QUEER GAZE · « L’Effrontée » : che confusione
Chez moi, c’est plutôt une queerness de bisexualité – ce qui est assez controversé chez les queers. C’est passé au départ par la fascination, plus que par la sexualité, un truc de « Je veux être cette personne ». Cette première image était frappante pour moi. C’était la fascination pour la beauté de Clara, vouloir accéder à son mystère. Je devais avoir 8 ans quand j’ai vu le film pour la première fois. J’étais plutôt dans un modèle assez normé. Mon rapport de désir aux filles est longtemps passé par de la fascination. Quelque chose comme « J’aime cette personne donc j’aimerais être elle en partie. » Je l’ai moins ressenti dans mes rapports hétéros. Je trouve ça très beau, ce truc-là.
Encore aujourd’hui, je trouve qu’il n’y a toujours pas beaucoup de représentations de couples de femmes normaux. Tu as vu Tár? J’ai aimé le film, mais en même temps, j’avais l’impression que Todd Field s’était dit à l’écriture : « Alors, ça ne peut pas être un homme parce que personne ne va adhérer. Ca ne peut pas être une femme parce que je vais me faire accuser de faire un #MeToo inversé… Oh ! Une femme lesbienne ? » Je trouve qu’il y a quelque chose de violent dans ce truc-là. Encore une fois, les femmes lesbiennes sont représentées à l’écran comme diaboliques, violentes, comme des mecs. Il y a quand même une responsabilité à l’image. Ça ne m’a pas empêchée d’apprécier le film pour d’autres raisons, mais je suis en désaccord avec cette représentation. Je laisserais les femmes raconter ce genre d’histoires. Je me garderais une petite gêne, si j’étais un homme. C’est pour ça que des films comme Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma sont importants. »
Image (c) Memento Distribution 2023
Céline Sciamma« Tár » de Todd Field : symphonie paranoïaque
Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 16 au 27 mai 2023.