I.ARTISTE ⸱ Volcan : « L’I.A. est ce qui se rapproche le mieux d’un langage onirique, comme si les machines rêvaient. »

Greg Vezon, alias Volcan, est un artiste français pluridisciplinaire : compositeur de musique électronique et réalisateur de clips, il pose un regard singulier sur les I.A. génératives et propose une perspective fascinante entre son travail de musicien et de vidéaste.


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« Je travaille dans une société de jeux vidéos éducatifs, un secteur qui est d’ailleurs très menacé par les I.A. Je ne pense pas que ce soit une raison pour refuser la technologie mais il va falloir s’adapter, c’est certain.

Je ne suis pas du tout musicien à la base mais j’ai travaillé un temps dans une société bordelaise qui faisait des contrôleurs pour les applications musicales. Je faisais alors les interfaces pour les machines et on m’a poussé à m’intéresser à ces logiciels pour mieux comprendre mon travail. C’est comme ça que j’ai commencé à composer de la musique électronique. Il pouvait y avoir, alors, certaines réticences vis-à-vis de la musique électronique comme on peut le voir aujourd’hui avec les I.A. : c’est-à-dire qu’un artiste qui s’exprimait avec ces nouveaux outils était pour certains illégitime, parce qu’il n’avais pas fait le travail d’apprentissage des « vrais » musiciens.

Niceaunties : « J’ai l’impression que le futur n’est plus très loin de nous désormais. »

D’ailleurs, plusieurs outils exploités en musique électronique peuvent se rapprocher de l’I.A. générative, comme les générateurs de mélodie ou d’harmonie. Ceci étant dit, les I.A. ne m’intéressent pas du tout pour la musique : elles proposent trop rapidement, trop facilement, un produit fini. Ainsi, j’aurais l’impression que mes créations ne m’appartiendraient plus vraiment. J’ai d’ailleurs la sensation que les images que je conçois avec les générateurs ne m’appartiennent pas non plus dans la mesure où, pour moi, les I.A. sont plus un assistant qu’un outil.

Parallèlement, j’ai toujours tenté d’expérimenter avec les effets visuels et la vidéo et, il y a un peu plus de six mois, j’ai conçu un clip, « Le Palais », qui est un mélange d’I.A. et d’After Effects. Je cherchais à tout contrôler, en générant des choses très précises que je manipulais ensuite. Ça m’a demandé beaucoup de temps et le résultat n’est pas terrible.

Pour mon clip suivant, « False Face », j’ai décidé de procéder comme un cadavre exquis : les idées me venaient en fonction des images que je générais. Les images étaient souvent folles et conféraient un caractère abstrait, psychédélique, que j’ai finalement décidé d’embrasser. En travaillant sur ce clip, je me suis rendu compte que l’I.A. me proposait, au bout d’une importante période de travail, des choses que je n’avais plus besoin de lui demander, comme si elle parvenait à devancer mes envies.

Mon dernier clip en date, « Entropy », se base sur ce que me disait ma compagne des effets de la psilocybine sur le cerveau. Je voulais approcher dans cette vidéo le genre d’expérience que j’avais vécu avec cette molécule, quelque chose de presque mystique. Pour ce faire, j’ai appliqué sa voix sur une photo d’elle, animée par une I.A. Le résultat est également très intéressant, très bizarre.

Je suis très sensible au caractère déconstruit des rêves, qui me semble difficile à représenter, voire quasiment impossible. Ce que génèrent les IA est ce qui se rapproche le mieux d’un langage onirique. Les erreurs commises par les générateurs ressemblent aux images des rêves ou des cauchemars, comme si les machines rêvaient, ce qui peut paraître assez naïf mais l’idée me plait. Je suis donc persuadé que l’on va perdre des choses avec la perfection que sont en train d’atteindre des générateurs d’image. Je suis même convaincu que certains artistes vont choisir de revenir à nos générateurs actuels pour retrouver ce caractère surréaliste qui émane, en réalité, des limites de l’outil. »

Photo : Image du clip « Le Palais » de Volcan