« J’ai découvert les I.A. génératives en juillet 2021 et j’ai tout de suite su que ça allait une grande histoire d’amour. J’ai commencé avec des images assez banales, mais je sentais déjà que cette technologie avait un potentiel énorme. Je me disais même que c’était tellement bon que ça risquait d’être interdit ! Heureusement ce n’est pas arrivé et les innovations dans le domaine des I.A. surviennent extrêmement vite.
Je ne suis pas certain de pouvoir catégoriser ce que je fais. Mon travail relève un peu du surréalisme, parce que les défauts de l’I.A. se prêtent tout à fait à ce courant artistique. Et puis je suis Belge et on dit que la Belgique est le Pays du surréalisme. On peut aussi m’affilier au Weirdcore, ce courant où la normalité bascule doucement vers l’étrange. Mais je suis surtout un grand fan de films des années 1980, plus particulièrement du body-horror, comme les premiers films de David Cronenberg ou de John Carpenter.
J’aime faire réagir les gens en mettant en scène des choses banales comme des œufs, des distributeurs automatiques, des allées de supermarché pour créer ce sentiment de malaise et d’écœurement. Nous sommes cernés au quotidien par une abondance malsaine : on nous demande de consommer de plus en plus, de plus en plus sucré, de plus en plus gras… On peut se demander où tout cela s’arrêtera.
Je travaille donc sur cette surabondance en plaçant notamment énormément d’œufs et de dents dans mes créations. Je trouve que les œufs sont des choses à la fois très banales et très mystérieuses. C’est un aliment que l’on consomme dans le monde entier, l’œuf ne connait aucune barrière culturelle. D’ailleurs, anecdote amusante : la photo la plus likée de tous les temps sur Instagram est une photo d’œuf !
Mais en même temps, ils sont le symbole de la vie : on se demande ce qui se cache derrière cette coquille. Et les œufs crus peuvent dégoûter, en particulier lorsque l’on réfléchit à ce qu’ils sont réellement et d’où ils viennent. Quant aux dents, elles restent le moyen le plus simple de faire en sorte que les créatures aient l’air menaçant. Au-delà de ça, les dents apportent ce côté intime de la bouche de l’autre, comme lorsque quelqu’un mange bruyamment à coté de vous.
J’aime exploiter les défauts de l’I.A. D’une part, je pense que le pur photoréalisme ennuierait vite les gens. Ensuite je ne veux pas tromper les gens sur ce qu’ils voient. Enfin, ces défauts donnent souvent des résultats surprenants ou embarquent notre idée initiale vers des terrains étonnants. Je suis d’ailleurs persuadé que l’I.A. ne sera jamais parfaite et qu’il restera toujours des défauts visuellement intéressants à exploiter, des choses que l’on ne pourrait pas faire à l’aide d’une caméra.
Les I.A. ne me font pas peur. Ce sont les gens qui me font peur : ceux qui vont les utiliser à de mauvaises fins, ceux qui, ignorant l’existence de ces technologies, se mettent à croire toute sorte de choses stupides, et enfin ceux qui ont un avis sur l’I.A. sans savoir de quoi ils parlent. »
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