I.A. QUOI ? · Raphaël Frydman : « Nous aurons des possibilités qui nous étaient interdites auparavant »

[INTERVIEW] « La Vie quand t’ai mort » a remporté le Grand Prix de la première édition de l’Artefact AI Film Festival qui, en novembre dernier, a soumis une sélection d’œuvres créées avec l’aide de l’I.A. à un jury présidé par Jean-Pierre Jeunet et composé de professionnels de l’audiovisuel. Son réalisateur, Raphaël Frydman, nous raconte la conception de ce court métrage.


la vie quand tai mort
La Vie quand t'ai mort de Raphaël Frydman

Quel est le point de départ du film ?

Dans le cadre d’un projet de film, j’ai exploité Midjourney pour concevoir un diaporama, un peu dans l’esprit de La Jetée de Chris Marker. J’y racontais comment, enfant, je m’allongeais dans mon lit pour imaginer des films. Le reste est une totale création : ce petit garçon imagine ce qu’est la vie après la mort. Un ami a vu la maquette et m’a poussé à la proposer au festival Artefact. Je me suis donc lancé dans l’animation et la sonorisation de ce diaporama grâce à différents générateurs, pendant trois semaines, comme dans une sorte de transe.

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En quoi votre expérience de réalisateur de courts (La Légion étrange, 2004) et de longs métrages (Adieu Babylone, 2001) vous a aidé à mieux appréhender ces nouveaux outils ?

J’ai fait des publicités avec de grosses équipes, mais je sais aussi être un bidouilleur d’images et ce, depuis mon adolescence, quand je bricolais des courts métrages avec une caméra Hi-8. J’ai renoué avec ces sensations grâce à l’I.A. J’avais un sentiment de liberté qui était d’autant plus enivrant que je savais combien il est difficile d’obtenir des images avec des outils traditionnels. L’I.A. nous permet, à nous, cinéastes, de tenter des choses. Mais surtout, ces outils conduisent à écrire différemment : il y a quelque chose du collage, avec des pensées qui se déploient en arborescence.

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Comment percevez-vous l’arrivée de l’I.A. dans l’industrie audiovisuelle ?

Selon moi, l’I.A. n’est pas antinomique des autres façons de créer des images. Il est certain que le métier va changer et que certains postes vont être affectés. Mais le cinéma est ponctué de ces évolutions : les usines qui coloriaient les films à la main ont fermé avec l’arrivée de la couleur et les pianistes qui accompagnaient les films muets se sont retrouvés au chômage avec le parlant.

Mais à chaque fois, de nouveaux métiers sont apparus. Et surtout, j’ai le sentiment que ça ne remplace rien de fondamental : le travail en équipe, la collaboration avec les comédiens… Rien de tout ça n’est remis en cause par l’I.A. Il y a également le fantasme de se dire qu’un réalisateur va réussir à concevoir en autarcie son long métrage. Mais c’est une chimère qui existe depuis des décennies. Tout le monde a un smartphone qui permet d’avoir une image d’excellente qualité et, pour autant, tout le monde ne fait pas un long métrage, n’a pas cette volonté ou ce talent de créer.

À l’inverse, nous aurons des possibilités qui nous étaient interdites auparavant. Je suis d’ailleurs en train de ressortir des vieux scripts que je désespérais de pouvoir porter à l’écran. Je vois dans l’I.A. une aire de jeu démente.

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