Queer Gaze est de notre journaliste Timé Zoppé sur le cinéma LGBTQ+.
Des flash-back dans le désordre, impressions qui me restent, fantômes de personnages archétypaux.
La brune qui fait un peu plus que son âge, un petit peu peste, avec la petite blonde ou châtain clair, souvent, elle a des lunettes. Y2K
Mèche blonde contrastée, string qui dépasse, Wonder Bra.
Elles s’habillent comme j’en rêve, mais j’ai pas le droit d’aller à l’école comme ça avant mes 15 ANS.
Les rapports de force adolescents, avec des intrigues dignes des Liaisons Dangereuses, mais en uniformes de lycéenne, et Buffy contre les vampires me plait davantage en brune.
Des filles avec des tempéraments de garçons manqués rassurantes, une butch ultra androgyne avec la reine des indie girls white trash du fin fond d’un bled et des rednecks bêtes et méchants.
Des girls next door incroyables selon mes critères de 13 ans, comme les anges dans ta classe que tu mates en douce, et que t’espères de toutes tes forces voir s’assoir à côté de toi dans le car scolaire, en sciences, à la cantine, n’importe où pourvu qu’elles te remarquent.
Des showgirls fatales, même et surtout entre elles, concurrentielles comme la mort mais qui rêvent de s’attraper et finissent par s’embrasser sur un lit de mort.
De la musique dans tous les films qui te donnent envie de vivre dans un clip.
Des femmes fatales et hors du temps, drôles et pulpeuses qui s’allient et qui tuent.
Dans le désordre, c’était ce que je regardais au collège, pour répondre à la question posée par la rédaction sur les films qui m’ont donné envie d’ouvrir la porte du placard, de regarder dehors, ou dedans ;
AKA
Thirteen
Faster, Pussycat! Kill! Kill!
Boys don’t cry
Showgirls
Cruel Intentions
Mauvaises fréquentations
QUEER GAZE · « La Vie d’Adèle, ou ce que c’est d’être lesbienne » par Charlie Medusa
Presque tous des films américains, des gros films, rediffusés à la télé, puis téléchargés et vus et revus et re-revus. De très bons films dans mon cœur adolescent, mes chefs-d’œuvre de série B. Ce sont les personnages qui m’intéressaient dans ces films, leurs interactions, leur style et leur musique. Surtout, le fait que ce soient des filles les héroïnes centrales.
C’était deux genres de films. La majorité était crypto-lesbiens, comme plein d’amitiés amoureuses adolescentes (où suis-je la seule ?) : il y a deux amies fusionnelles, une fille un peu plus effacée et immature, fascinée particulièrement par l’autre, un succube de chair, d’os et de drogues qui embarque la plus timide dans des folles aventures initiatiques et catastrophiques de paradis artificiels désinhibants et de sexe, de premières fois rarement ensemble comme un couple, mais dans des rapport tellement symbiotiques que finalement, un peu ensemble quand même. Dans des scènes un peu troublantes mais toxiques, pas si amoureuses, mais toujours un peu perverses avec une des héroïnes manipulatrices et l’autre tellement sous le charme qu’elle se laissait embarquer. Ça faisait fantasmer mais en culpabilisant un peu, et enchainait sur un dialogue interne « Vraiment, un trouble pour les filles, moi ? Beurk » « J’avoue je lorgne sur ma meilleure amie, ouin, je l’aime plus que tout, elle est si belle… » Snif snif, larmes et mascara sur l’oreiller. Mouchoir, re-mascara, gloss.
« En vrai, ça va, c’est okay » en regardant Boys Don’t Cry un petit peu plus tard (le deuxième genre de films, celui qui n’est pas cryptique). J’avais envie d’être Chloë Sevigny. Un autre discours interne prenait place. C’était sans doute immature et tout, mais ado, je trouvais fantasmagorique le délire : c’est Brandon, un garçon sexy mais en fait, c’est une « base » de fille mais, damned ! Finalement c’est donc bien un garçon sexy, upgradé d’une sensibilité de fille. Je réécrivais une peu l’histoire en rêve : dans ma version ça finissait bien car moi (Chloë Sevigny) et mon mec (Hilary Swank) on se cassait quelque part, à L.A. par exemple, et on était heureux. Happy end de cinéma dans ma tête.
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