DIVINE GANG · Himbos, kiffeurs… Gio Ventura nous intronise dans le club des « Sports X-Trem »

Gio Ventura nous fait visiter les vestiaires de son court balèze, « Les Sports X-Trem »


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« Ma vie est rythmée depuis 6 ans maintenant par mes sessions à la Salle. Outre ma passion pour la fabrique de muscle, j’ai développé une affection particulière pour le spectacle qui se produit en permanence entre les murs de ces temples de l’hyperbole musculaire. Plus particulièrement, je ne me lasse jamais de regarder les mecs et leurs corps suants, leurs poses coquettes devant les miroirs, ne pas être pédé ensemble. Ils me touchent.

Je décris souvent Les Sports X-trem comme une bromance sous stéroïdes. « Bromance », c’est un anglicisme utilisé pour décrire la nature de la relation d’amitié proche entre hommes, contraction entre les mots « romance » et « bros ». À mon sens, il se passe quelque chose au coeur de ces relations du même ordre que ce qui se trame entre les « non-pédés » de la salle, c’est un endroit où apparaissent et se croisent à la fois l’interdiction et la possibilité d’un homo-érotisme. Les stéroïdes quant à eux, ne sont finalement que de la testostérone : une hormone prisée également par beaucoup de mes ami.e.s hors circuits sportifs.

Tous les personnages du film parlent en punchlines musclées et sont en action lorsqu’ils disent leur texte : en train de courir, de faire des pompes ou de boxer. Pour moi la scène de muscu à deux dans la chambre, c’est une scène de sexe. Aucun comédien par ailleurs n’est réellement musclé, mais ce n’est pas vraiment un problème : car comme dit Loana, “Être musclé c’est une attitude, pas un corps”. Tout comme la masculinité n’est pas qu’une affaire d’hommes. Je m’intéresse au muscle comme matériau de construction. L’utilisation d’une imagerie associée au sport, principalement la boxe et le bodybuilding, est là pour raconter une tentative de fabrication d’un langage commun par le corps ou via le sensoriel, de deux personnages qui en se musclant ensemble, tentent de conjurer l’impossibilité de s’atteindre autrement. Une histoire d’amour qui n’aboutit pas vraiment, qui reste tension, que vient travailler la fonte. Ils cherchent la confrontation des corps, d’une autre manière.

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Moi-même j’étais un enfant mutique mais très physique, même violent. L’usage de mon corps est venu en premier puis je me suis mis très doucement à parler. Je suppose que ça a laissé sa trace : je préfère toujours le corps à corps à la conversation.

Les différents persos qui apparaissent dans le film sont des stars à mes yeux, des gens qui m’inspirent. Gatabase, par exemple qui joue Lino, est un boss que j’ai découvert dans le génial Soum d’Alice Brygo. C’est aussi quelqu’un d’incroyable sur scène. Vous pouvez voir ce qu’il fait par ici. Ricky, qui joue le Chien, est un mec super important dans nos milieux transmasc, on lui doit pas mal de textes comme celui-ci.

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Loana, elle est inspirée d’une meuf que j’ai connue, qui m’a appris à boxer. Elle était marrante, on s’écrivait des lettres comme celle qu’on entend au début du film, elle avait une sorte de timidité hyper musclée. Enfin, je suis inspiré aussi par ces musclors que je côtoie à la salle depuis des années et les centaines d’images de bodybuildeuses anonymes que je collectionne. Ma déesse ultime c’est Nataliya Kuznetsova.

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Nataliya Kuznetsova

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Photo de Kennedi Carter

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« Jackie II » par Del Grace (1994), une photo que j’ai découpé dans un livre il y a des années et que je garde toujours près de mon lit.

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La Downtown Athletic tower

À l’origine du projet, il y a le Downtown Athletic club, une tour construite en 1931 à New York. Elle faisait 38 étages, mesurait 160 mètres et offrait un programme de civilisation ultra-raffiné, dans lequel une gamme complète d’équipements liés ostensiblement au sport reconstituait le corps humain (masculin). L’ascension des étages supérieurs correspondait implicitement à la conquête d’une forme physique optimale. Les niveaux les plus bas étaient les vestiaires et des salles de sport. Au 9e étage, les visiteurs se pliaient à un curieux rituel : ils devaient se déshabiller, enfiler des gants de boxe pour déguster des huitres. Les étages suivants étaient liés à la médecine préventive, avec tout un appareillage de manipulations corporelles, salles de bronzage, barbiers. Vers les derniers étages, les espaces étaient consacrés aux repas, à la détente et aux contacts sociaux. Enfin un étage crucial où l’homme affronte enfin son « véritable adversaire » : la femme, dans le bar, seul espace où elle est autorisée à pénétrer. Les derniers étages de la tour sont des chambres à coucher. Une tour-scénario de l’hétérosexualité à son paroxysme qui a servi de modèle pour imaginer l’intérieur des Mercuriales, transposée ici en histoire d’ascension pédé/butch.

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Les Kiffeurs

Le nom vient des premiers médias (films et photos) pornos, qui sont apparus en France fin des années 1990 et début 2000. L’un des trucs des kiffeurs c’est qu’ils aiment les « skets » (les lécher, les sentir, etc), les cho7 sales, les odeurs corporelles (de sueur et autres), les survêts et habits de sport. Il étaient une communauté sur skyblog aussi à l’époque, et j’ai une affection particulière pour ces photos où les pieds/baskets sont en premier plan, composition que j’ai repris pour quelques plans dans le film. Je pense que beaucoup de transmascs ont des affinités avec le sportswear, c’est très présent dans la construction de nos imaginaires. Dans le film, tous les personnages portent des baskets dans leur lit, ce qui est à la fois ma pire hantise mais aussi un gros kink, j’imagine. Avec Louise Bsx au son, on a doublé tous les pas pour retrouver ce crissement des chaussures neuves que j’adore.

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Les Muscular Christians

Dans les années 1880, apparait le mouvement américain des Muscular Christians, lorsqu’il s’agissait de convaincre les hommes de retrouver le chemin de l’Église. On parlait alors d’une « crise de la masculinité» et une communauté de croyants ré-inventaient la religion pour la « viriliser» : on construisait des salles de sport et même des rings près des églises, les sermons étaient repensés, en mettant des valeurs telles que la camaraderie, le courage héroïque et le travail quotidien au coeur des chansons – jusque-là plutôt préoccupées par des sujets dits « féminins » et sentimentaux. L’ancienne tradition de séparation entre le corps et l’esprit (pour magnifier son âme, il faut ignorer voire maltraiter son enveloppe charnelle) est rejetée pour promouvoir un lien direct entre les facultés physiques et les capacités à servir (cultiver sa force pour mieux servir son prochain). Fait historique peu connu ou documenté, c’est pourtant en partie lui qui inscrira la culture du fitness dans les moeurs américaines, avant que le bodybuilding ne se détache de la religion pour devenir un but, ou une passion (au sens religieux) en soi à la suite de la deuxième guerre mondiale. Ce lien entre foi et fitness m’intéresse depuis longtemps et il a aussi été l’un des sujets de mon mémoire de fin d’études Le corps est l’esprit.

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En général, j’aime les persos qui vont chercher des réponses spirituelles dans des endroits bizarres, les églises de carton-pâte, et qui parfois se trompent, croient voir des choses ou expérimenter des phénomènes mystiques. Le film de Lucrecia Martel La niña santa en ce sens est une inspiration. Il y a un espèce de bug trop beau quand elle confond éveil sexuel et éveil religieux durant ce contact avec un frotteur dans la scène de thérémine

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« Le corps est l’esprit »

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Dessin de Gio Ventura

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La niña santa, 2004

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Photo prise à Fitness Park La Défense

La figure du Himbo

La figure du Himbo ou version masculine (Him) de la Bimbo est un concept apparu sur internet pour décrire un homme préoccupé par son physique, au coeur pur et plutôt simplet. Notamment dans les cultures transmascs, il est érigé comme un certain idéal de masculinité. C’est l’homme devenu objet sexuel, au même titre que sa consœur Bimbo. Dans Les Sports Xtrem, se consacrer à la fabrique de muscle est valorisé par tous les personnages. C’est une quête très sérieuse, le bodybuilding est un vrai projet pour l’existence entière, il s’agit littéralement de« construire un corps » comme lorsque Lino rassure Loana en lui disant de ne pas s’inquiéter car « bientôt (il) va prendre 25kg de muscles » pour se mesurer à elle équitablement.

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Quelques-uns de mes himbos préférés au cinéma:

Diamantino (Gabriel Abrantes, 2016) : pour citer @theculturerider, c’est l’histoire de Cristiano Ronaldo qui se retrouve à entamer une transition malgré lui car le gouvernement portugais cherche à en faire une arme pour contrôler le monde. Pourtant tout ce qu’il aime lui, c’est les petits chiens qui lui apparaissent lorsqu’il joue au foot. J’aime beaucoup ce personnage de bogoss naïf, comme dépassé par son propre sex-appeal et qui en devient une figure quasi-asexuelle, du registre de l’enfance presque.

Hercules in New York (Arthur Allan Seidelman, 1969) : C’est le premier rôle d’Arnold Schwarzenneger, un film à mini-budget et grosses ambitions. Vraiment dingue : juste pour la scène de combat avec un humain vaguement déguisé en singe échappé du zoo et tous les moments de danses de pecs, ce film en vaut la peine.

Devil in Madrid (Bruce LaBruce 2018) : Ce personnage du diablotin qui vient draguer les twinks endeuillés, est mon inspiration pour l’ange de la salle que rencontre Lino.

Pas tout à fait des himbos, mais un regard sur la bromance et les masculinités que je trouve intéressant, dans son cas avec un focus sur des garçons et hommes issus de la diaspora maghrébine dans le taff de Sara Sadik. J’adore son film, Carnalito Full Option (Sara Sadik 2020) en particulier. Dans une arène à Marseille, cinq ados, des « oubliés de l’amour” se retrouvent à devoir passer des épreuves de “rééducation émotionnelle et sentimentale”.

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Diamantino, 2016

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Hercules in New York, 1969

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Devil in Madrid, 2018

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Carnalito Full Option, 2020

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Un himbo anonyme

De manière générale, j’adore les himbos et les bodybuildeuses.

Mon panthéon personnel est fait de ces figures-là qui se construisent des corps trop musclés, dissidents, et qui traversent en quelque sorte la barrière du monstrueux. Comme l’a dit Arnold lui-même : “Je savais que je n’étais pas taillé pour l’élégance. Je voulais être énorme”.»

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