Les courts du goûter : trois films de Jean Epstein mis en ligne par la Cinémathèque française

Sur sa nouvelle plateforme en ligne Henri, la Cinémathèque française a publié trois perles restaurées (La Chute de la maison Usher, La Glace à trois faces, et Le Tempestaire) du cinéaste Jean Epstein. Retour sur ce réalisateur qui a fui l’académisme de son époque pour s’embarquer dans une recherche quasi spirituelle autour de la mer.


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Sur sa nouvelle plateforme en ligne Henri, la Cinémathèque française a publié trois perles restaurées (La Chute de la maison Usher, La Glace à trois faces, et Le Tempestaire) du cinéaste Jean Epstein. Retour sur ce réalisateur qui a fui l’académisme de son époque pour s’embarquer dans une recherche quasi spirituelle autour de la mer.

En 1928, Jean Epstein part en Bretagne pour se reposer. Son entreprise de production croule sous les dettes. Il vient pourtant de signer un envoûtant chef d’œuvre, La Chute de la maison Usher (1928), un conte fantastique qui expérimente un procédé novateur, la caméra à grande vitesse, pour produire des ralentis langoureux. Le cinéaste ne quittera plus jamais vraiment la région. Depuis 1922, il a certes été l’un des représentants de la première avant-garde française, dite impressionniste. Son influence sur le cinéma infuse autant les œuvres de Robert Bresson que celles de Bruno Dumont. Mais certains films, comme Le Lion des Mogols (1924), tourné avec les studios Albatros, sont moins aventureux sur le plan formel. Après la chute des Films Jean Epstein, qui lui donnent un moment le luxe de l’indépendance et la joie de l’expérimentation (en 1927, le montage tout en allers-retours de La Glace à trois faces mimant les sursauts amoureux des personnages), il lui suffit de se laisser emporter par le courant de l’Atlantique pour atteindre les tréfonds de son œuvre.

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La Chute de la maison Usher

En 1929, Finis Terrae suit le quotidien des pêcheurs de goëmons entre l’île d’Ouessant et celle, inhabitée, de Bannec. L’aspect documentaire de ce récit vécu puis fictionnalisé a souvent été évoqué, parce que le réalisateur a fait tourner des Ouessantins non-professionnels (une prouesse à l’époque : dans un bonus du coffret DVD paru chez Potemkine, la sœur du cinéaste raconte que les filles n’osaient pas défiler devant la caméra de peur de ne plus pouvoir se marier.) Mais la portée de ce film a bien plus à voir avec une vision intime de la mer, une vérité non pas naturaliste mais humaine.

Les « poèmes bretons » (L’or des mers, Les Feux de la mer…) sont très plastiques, très découpés, le paysage devient une expression de l’intériorité des hommes. Le rapport secret que l’humain entretient avec la  nature anime le cinéaste, et c’est dans Le Tempestaire (1947) qu’il réalise un vieux fantasme, celui d’une maîtrise des éléments par les moyens du cinéma. Une femme vient demander à un vieil homme d’adoucir la tempête pour que son fiancé en revienne. Epstein fait varier la vitesse de l’image et du son pour calmer le déferlement des vagues et les contempler dans tout ce qu’elles ont de puissant et mystique.

Image de couverture : Le Tempestaire (1947) de Jean Epstein