À l’occasion des 30 ans de sa sortie au cinéma, retour sur le thriller de science-fiction de Paul Verhoeven, dans lequel le corps bodybuildé d’Arnold Schwarzenegger incarnait à merveille les fantasmes et les névroses de l’époque.
Deuxième film de science-fiction hollywoodien de Paul Verhoeven après RoboCop, Total Recall est sorti en France le 17 octobre 1990. Cette adaptation d’une nouvelle de Philip K. Dick suit Douglas Quaid (Arnold Schwarzenegger), un Terrien qui, en 2048, décide de se faire implanter de faux souvenirs d’un voyage sur Mars. Mais l’expérience dérape quand surgissent des fragments d’un précédent séjour sur la planète rouge, alors que Quaid était agent secret. Rêve et réalité se mêlent alors dangereusement…
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« Total Recall se servait du corps de Schwarzenegger pour explorer l’inconscient des images hollywoodiennes », avance Jérôme Momcilovic, auteur de Prodiges d’Arnold Schwarzenegger (Capricci, 2016). « Le bodybuilding, qui permet de fabriquer soi-même son corps, fut le grand fantasme idéologique des années 1980, et Schwarzenegger était l’incarnation absolue de cette version moderne du rêve américain consistant à s’accoucher soi-même. Verhoeven en fit justement le sujet du film. » Avec son personnage de Kuato, un mutant logeant dans le ventre d’un homme, ou sa célèbre séquence durant laquelle Schwarzenegger s’extirpe du corps factice d’une dame enrobée, l’imagerie de Total Recall traite en effet cette idée d’autoenfantement.
« Le film offre une psychanalyse de l’acteur : plusieurs plans l’allongent sur le divan, comme pour regarder dans la tête d’un bodybuildeur qui a décidé que sa vie serait un rêve »
Jusqu’au vertige. « Si, comme Schwarzenegger, on est arrivé à ce stade ultime où l’on peut devenir ce qu’on veut, reste-t-il encore quelqu’un à l’intérieur de l’image ? Le film offre une psychanalyse de l’acteur : plusieurs plans l’allongent sur le divan, comme pour regarder dans la tête d’un bodybuildeur qui a décidé que sa vie serait un rêve », poursuit Momcilovic. Le rôle de l’acteur embrassait ainsi les différents imaginaires de son époque. « La prise de pouvoir sur le corps avait un versant technoscientifique et un autre plus carnavalesque. En rejoignant à la fin la communauté de mutants, Schwarzenegger s’extrait du transhumanisme pour atteindre une dimension plus queer. » Nouvelle preuve, après Terminator et avant Last Action Hero, de la passionnante filmographie de celui qui devint en 2003 gouverneur du temple des images, la Californie.
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Illustration : Anna Wanda Gogusey