Venue donner une conférence à Istanbul, une narratologue interprétée par Tilda Swinton commence à avoir de drôles de visions. Après avoir mis la main sur une fiole magique, un Djinn (Idris Elba) prend soudainement forme dans sa chambre d’hôtel avant de lui annoncer son obligation d’exaucer trois de ses voeux. Esprit transcendental et immortel, capable de percevoir les rouages secrets de l’univers, il raconte au fil du film son histoire sous la forme d’un conte enivrant dans lequel s’enchaînent, dans un drôle d’assemblage, des scènes burlesques, épiques ou fantasmagoriques qui nous mènent d’un palais royal à la pointe d’une tour où est enfermée une sorcière en quête de savoir…
Après , George Miller est donc revenu à Cannes hors-compétition avec un film à mi-chemin entre The Fall de Tarsem Singh et les fables numériques de Zemeckis et Spielberg (La Légende de Beowulf, Drôle de Noël de Scrooge, Le Bon Gros Géant). Dans ce blockbuster ludique enfantin, la fiction est une affaire d’envoûtement, mais aussi d’alchimie. Le film multiplie les effets de dilatation et de liquéfaction pour mettre en scène la rencontre, magique et miraculeuse, entre l’art du récit et celui de l’image.
Des corps fondent, se transforment et plongent au fond de l’eau pour composer une sorte d’élixir bariolé, qui use des effets numériques pour figurer des mythes ancestraux. On trouve pêle-mêle, dans la marmite du cinéaste australien, des images cosmogoniques, des formules mathématiques, des fresques sensuelles teintées d’orientalisme… Le mélange est certes un peu étrange. Souvent, il désarçonne. Mais la foi que voue Miller à son histoire d’amour philosophique, où la figure humaine comme celle de l’immortel apprendront à faire un pas vers l’autre (l’une apprenant à accepter les mystères de l’univers, l’autre à toucher du doigt une finitude longtemps espérée), paraît inébranlable.
Les contours un peu naïf du projet s’imposent même souvent comme une condition pour libérer la mise en scène et la laisser voler de ses propres ailes, sans se soucier des conventions. Au bout de l’aventure, un chapitre plus intime révèlera même toute la portée émotionnelle de ce tourbillon métaphysique, bien caché sous la forme, modeste, d’un beau petit film de conteur.
Trois mille ans à t’attendre de George Miller, 1h48, Metropolitan, sortie le 24 août
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