« Bonne mère » d’Hafsia Herzi : le portrait tendre d’une mère dévouée

Hafsia Herzi signe un beau film de groupe sur la condition féminine et son assignation au sacrifice, dans la section Un certain regard à Cannes. Elle y suit le quotidien de labeur de Nora, quinquagénaire et mère de famille dévouée.


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En seulement deux films, Hafsia Herzi, comédienne éclose chez Abdellatif Kechiche et désormais cinéaste, dessine une trajectoire singulière dans le cinéma français. Si Tu mérites un amour, son premier long bricolé avec trois sous, et Bonne mère s’inscrivent tous deux dans l’héritage franco-français d’un naturalisme obsédé par la captation d’un réel authentique, de ces moments de vie qui s’écoulent avec clarté sur l’écran, ils s’affranchissent de ses écueils les plus moroses. Les deux films transmettent la très vive et aussi réjouissante affirmation d’un regard neuf et plein d’allant derrière la caméra.

Avec Bonne mère, Herzi brosse le portrait d’une quinquagénaire, Nora, mère de famille multipliant les emplois de femme de ménage et d’aide à une personne âgée. Le début du film se concentre d’ailleurs sur les longs trajets qui la mènent des quartiers nord de Marseille jusqu’à son travail à l’aéroport et saisit là quelque chose du labeur d’une vie de devoir, vouée aux autres.

Si Nora ne peut prendre soin d’elle, c’est parce que tout son être est consacré à son prochain et plus particulièrement à ses trois grands enfants survoltés. Autour de cette stakhanoviste sonne le brouhaha des chamailleries et des rires d’une fratrie qui fait son bonheur mais l’épuise. Le film est très juste (et aussi par endroits extrêmement drôle) quand il égratigne l’image idéalisée d’une maternité heureuse qui se commue ici en chemin de croix, dont Nora s’écarterait volontiers.

Bonne mère s’abandonne avec joie aux voix dissonantes de sa petite chorale débrouillarde, passant du drame (un fils aîné en prison) à la franche comédie (une fille jalouse bientôt aspirée dans un drôle de business) avec légèreté et profondeur. Le bel instinct d’Hafsia Herzi est d’accorder à l’enregistrement de ce réel brut, étiré dans de longues séquences de joutes verbales et autres scènes de repas, une pointe de lyrisme, notamment via la chanson, qui fait léviter le film dans une bulle d’infinie douceur et de tendresse – sentiments qui éclairent le visage de Nora, gardienne du phare dans la nuit.