Le film a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise 2024. Retrouvez le palmarès ici.
Dans une élégante bibliothèque new yorkaise, Ingrid (Julianne Moore), une écrivaine en dédicace de son dernier ouvrage évoquant son incapacité à accepter le principe de la mort, tombe sur une vieille connaissance qui l’informe du cancer d’une amie commune, Martha (Tilda Swinton), ex-grande reporter de guerre. Elles ne se sont pas vues depuis leurs années folles, celles où elles collaboraient dans Paper Magazine. Pourtant, l’éloignement naturel qui s’est produit entre elles ne retient pas Ingrid une seconde : elle se rend dans la foulée à l’hôpital, et le lien grâcieux et plein de respect des deux amies se renoue aussitôt.
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C’est ainsi qu’avance The Room Next Door, dans une épure et une simplicité qu’on ne connaissait pas chez Almodóvar. Lui-même en est à l’évidence très conscient, saupoudrant malicieusement le début de son récit de quelques flashbacks surjouant l’emphase mélodramatique qui a fait sa marque de fabrique, mais qui sont autant de fausses pistes quant à la tonalité de la suite. Car le vingt-troisième film du réalisateur septuagénaire est en fait le plus linéaire, calme et contenu de toute sa filmographie. Indice dès les premiers plans, où les couleurs pastel, les jeux de lumières et la composition faisant dialoguer intérieurs et extérieurs cotonneux et intranquilles scandent une référence : les toiles de l’immense peintre américain Edward Hopper. C’est ainsi une New York étonnamment douce et dépeuplée que l’Espagnol choisit de montrer, comme pour tisser un cocon protecteur autour de ses deux héroïnes qui s’apprêtent à affronter chacune à leur manière la mort.
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L’air de rien, Almodovar s’auto-défie en ne recourant jamais aux flashbacks pour évoquer le passé commun d’Ingrid et Martha mais en s’appliquant à montrer leur lien au pur présent, à travers un pacte faustien : celle qui se sait condamnée demande à son amie thanatophobe de l’accompagner dans une maison (d’architecte, en pleine forêt, bien sûr) louée dans les environs pour partager au plus près ses derniers moments. On ose le dire : si elles n’étaient pas incarnées avec autant de subtilité et de sensibilité par Tilda Swinton et Julianne Moore – que l’on pourrait écouter discuter météo des jours durant -, le film n’aurait sans doute pas ce pouvoir de fascination. Mais c’est aussi par de subtils décalages qu’Almodóvar donne de l’envergure à son drame en chambre. Le réalisateur semble ainsi se mettre à nu d’une toute autre manière que dans son très autobiographique Douleur et Gloire (2019), cette fois en mettant ses réflexions sur la vie, la mort et l’écologie dans la bouche de personnages qui ne lui ressemblent pas et conversent dans une langue qui lui est étrangère – le résultat n’en est que plus parlant.