« Le Parfum vert » de Nicolas Pariser : l’ère du soupçon

Avec son scénario parfaitement ficelé, son côté référencé, cette drôle d’enquête menée par Sandrine Kiberlain et Vincent Lacoste amuse et trouble.


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Tout commence sur la scène de la Comédie-Française. Au beau milieu d’une représentation, un comédien tombe raide mort alors qu’il récite sa réplique. On découvre bien vite qu’il a été empoisonné et les premiers soupçons se portent sur Martin (Vincent Lacoste), autre comédien, ami du défunt et surtout témoin direct de l’assassinat. En même temps que la police, l’opaque organisation réellement responsable de ce meurtre le prend en filature. C’est alors qu’il rencontre Claire (Sandrine Kiberlain), autrice de BD qui va l’aider, dans une fuite qui va les faire voyager en Europe, à comprendre les dessous de cette étrange affaire…

« Alice et le maire », une brillante comédie politique désenchantée

Après sa comédie politique Alice et le maire, déjà présentée à la Quinzaine en 2019, Nicolas Pariser revient très en forme. Toujours aussi subtil, le cinéaste rend un hommage amoureux au théâtre français et à la BD policière belge, en tissant une enquête captivante. Première réussite (et pas des moindres) : il prend bien soin de ne jamais nous larguer, tout en en enveloppant le récit d’une série de géniaux et amusants clins d’œil (le caméo de Thomas Chabrol, fils du cinéaste Claude Chabrol, dont Pariser est un fan absolu ; l’apparition soudaine de deux policiers aux allures de Dupond et Dupont, les célébrissimes personnages de Tintin ; ou encore une séquence se déroulant dans un immense manoir aux décors veloutés façon Cluedo).

MICROSCOPE — La main et l’épaule dans « Alice et le Maire » de Nicolas Pariser

Dans cette atmosphère du soupçon généralisé, qui donne l’impression vague de toucher à quelque chose de très actuel, on sent pourtant clairement que les fantômes de l’histoire viennent se mêler aux vivants. A travers ses deux héros, impeccablement campés par le duo Kiberlain-Lacoste (surprenante alchimie), surtout : de confession juive, et plus précisément d’origine ashkénaze, les deux partagent une même inclinaison à l’anxiété, la paranoïa – maux dont beaucoup de descendants de victimes de l’Holocauste souffrent, comme expliqué dans le film.

Ce motif, qui alimente une belle énergie comique, participe en même temps à une forme de mélancolie qui se diffuse presque à notre insu. C’est ce délicat contrebalancement qu’opère Nicolas Pariser avec brio. Sous ses dehors très ludiques, c’est bien cette histoire qui, il n’y a pas si longtemps, a déchiré et ensanglanté l’Europe que le cinéaste vient rappeler, à l’heure où la tragédie ukrainienne ravive ce passé.

Le Parfum vert de Nicolas Pariser, Diaphana (1 h 41), sortie le 21 décembre

Image : © Diaphana Distribution