Enfin présenté au Festival de Cannes, dont il devait initialement faire vibrer l’édition 2020 (finalement annulée), Top Gun : Maverick courait le risque de passer pour un blockbuster quelque peu daté, pas seulement parce que son tournage remonte déjà à 2018 et 2019 mais aussi car il est la suite directe d’un film (réalisé par Tony Scott et sorti en 1986) qui reste étroitement lié au Hollywood frimeur de l’ère Ronald Reagan.
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L’utilisation dans les premières minutes du tube Danger Zone, de Kenny Loggins, tout droit sorti du premier Top Gun, fait ainsi craindre l’excès de nostalgie, mais le film de Joseph Kosinski (réalisateur de Tron : L’Héritage et d’Oblivion) annonce rapidement de plus amples ambitions : Pete « Maverick » Mitchell (Tom Cruise) est désormais un pilote d’essai quinquagénaire qui refuse de s’élever dans la hiérarchie militaire car cela l’empêcherait de voler dans les airs et de continuer à ressentir des sensations fortes. Mal vu par des instances militaires qui préfèrent le recours aux drones, Maverick se voit pourtant confier une nouvelle tâche : retourner dans son ancienne école d’aviation d’élite Top Gun afin de former de jeunes pilotes en vue d’une mission à hauts risques.
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Passé de l’autre côté de la barrière avec ce rôle d’instructeur, Maverick va parallèlement devoir gérer un vieux traumatisme puisque parmi ses élèves figure Bradley « Rooster » Bradshaw (Miles Teller), le fils de Nick « Goose » Bradshaw – grand ami de Maverick tragiquement décédé dans le premier film. Fidèle à la formule hollywoodienne contemporaine qui réactualise d’anciennes œuvres des années 1980, ce Top Gun : Maverick jette donc une passerelle entre les époques pour mesurer le passage du temps. Prenant acte de l’évolution technologique effectuée depuis trente-cinq ans par les avions de combat, Kosinski prête une attention particulière au son de ces engins dernier cri et réussit des scènes d’action immersives.
Centrale est aussi la question du vieillissement de Maverick, et à travers elle celui de Tom Cruise lui-même, menacé de ringardisation par les nouveaux usages. Pour signifier que Cruise est le dernier survivant du cinéma d’action des années 1980, le film se fait parfois poussif, notamment lorsqu’il développe une romance avec une tenancière de bar – Penny (Jennifer Connelly), personnage absent du premier film – qui n’échappe pas à certains clichés machistes et anachroniques. Malgré quelques invraisemblances, Top Gun : Maverick trouve un supplément d’âme par sa description d’une impossible course après la jeunesse éternelle.
Cette conscience du passé trouve toute son incarnation dans une séquence quasi muette où Maverick retrouve le fameux « Iceman » (Val Kilmer), qui ne peut plus faire usage de sa voix comme auparavant. Le destin du personnage croise alors celui de l’acteur Val Kilmer en personne, atteint il y a quelques années d’un cancer de la gorge qui a gravement endommagé sa voix. En s’appuyant soudain sur les regards tendres échangés entre les deux comédiens, le film trouve un écho émotionnel puissant qui use des armes les plus simples, sans recours à la technologie ni au numérique. Et le film de dépasser par cette seule séquence mélodramatique nos attentes de départ.
Top Gun : Maverick de Joseph Kosinski, 2h11, Paramount, sortie le 25 mai
Images (c) Copyright Paramount Pictures
Le Festival de Cannes se tiendra cette année du 17 au 28 mai 2022.