« Succession », un jeu de massacre aux dialogues ciselés

Alors que l’offre télévisuelle n’a jamais été aussi vaste, les grandes séries se comptent sur les doigts d’une main. Sans tambour ni trompette, ultra bavarde et dépourvue de star, Succession sur HBO s’est imposée en deux saisons comme un indispensable de cette fin de décennie. La saga des Roy, richissimes magnats des médias new-yorkais se


Alors que l’offre télévisuelle n’a jamais été aussi vaste, les grandes séries se comptent sur les doigts d’une main. Sans tambour ni trompette, ultra bavarde et dépourvue de star, Succession sur HBO s’est imposée en deux saisons comme un indispensable de cette fin de décennie. La saga des Roy, richissimes magnats des médias new-yorkais se déchirant pour désigner l’héritier du patriarche Logan (Brian Cox), est un spectacle tout à fait fascinant, et le mérite en revient d’abord au créateur de la série, Jesse Armstrong. Cet auteur de comédie à qui l’on doit quelques sommets du rire grinçant à la télé britannique (Peep Show, Fresh Meat) n’épargne aucun de ses protagonistes, tous plus égocentriques les uns que les autres (mention spéciale à Tom, le gendre mi-arriviste mi-ingénu), dans un jeu de massacre enlevé aux dialogues ciselés.

Mais Succession ne se résume pas à une farce à la Veep que l’on aurait grossièrement brodée sur le canevas du Roi Lear. Armstrong relève au contraire fièrement le défi shakespearien en embrassant la dimension tragi-comique de ses protagonistes, notamment via le beau portrait du fils maudit Kendall (Jeremy Strong). La manière dont la série enferme ceux-ci dans des espaces privatisés (gratte-ciel dominant la Grosse Pomme, palaces, yacht familial) offre un aperçu sidérant de la déconnexion de ces monarques aux petits pieds avec le monde sur lequel ils règnent de fait. Depuis Mad Men et son inventaire édifiant des sixties, on n’avait pas vu série saisir avec autant d’acuité une époque. En l’occurrence, la nôtre.

Succession, Saisons 1 et 2 sur OCS

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