Tiago Rodrigues, jouer avec la littérature

« Je ne me souviens pas avoir rencontré un artiste doté, aussi jeune, d’une telle intensité, d’un tel sens poétique. » D’accord, le compliment peut paraître partial, puisqu’il vient de Jean-Marie Hordé, soit le directeur qui lui confie pendant deux mois les clés de son théâtre. Mais on est curieux de rencontrer le spectateur qui n’aurait pas


« Je ne me souviens pas avoir rencontré un artiste doté, aussi jeune, d’une telle intensité, d’un tel sens poétique. » D’accord, le compliment peut paraître partial, puisqu’il vient de Jean-Marie Hordé, soit le directeur qui lui confie pendant deux mois les clés de son théâtre. Mais on est curieux de rencontrer le spectateur qui n’aurait pas été frappé par le magnétisme de l’auteur, acteur et metteur en scène portugais Tiago Rodrigues, nommé directeur, à seulement 39 ans, du Théâtre national Dona Maria II de Lisbonne. Peut-être parce que, sur un plateau, il parvient à rendre sensibles, drôles et diablement vivantes les théories de Roland Barthes, d’Umberto Ecco ou de Jorge Louis Borges sur l’œuvre « ouverte » et sur l’activité du lecteur. Peut-être parce que, a contrario d’un théâtre docte, dévot et soporifique, il envisage les monuments du répertoire – William Shakespeare, Jean Racine – non plus comme des auteurs à vénérer, mais comme des « bibliothèques, comme des villes où l’on peut aller habiter ». C’est-à-dire une matière collective que l’on peut transformer, oublier, fantasmer et distordre. Ça a donné Antoine et Cléopâtre (triomphe à Avignon en 2015), une pièce de Shakespeare qu’il a réécrite « comme un lecteur qui finit un roman et essaie de se le remémorer ». Ça a donné By Heart, une performance collective pendant laquelle des spectateurs apprenaient par cœur le « Sonnet 30 » de Shakespeare. Aujourd’hui, à l’heure où les procès artistiques et les affaires de censure sont en recrudescence dans toute l’Europe, cette approche ludique de la littérature donne naissance à Bovary, une œuvre composite fabriquée à partir du procès intenté à Gustave Flaubert en 1857, de l’œuvre romanesque Madame Bovary et de lettres imaginaires envoyées par Flaubert à une maîtresse. Une pièce recréée en français, avec Jacques Bonnaffé, David Geselson, Grégoire Monsaingeon, Alma Palacios et Ruth Vega-Fernandez, collège d’acteurs avec qui il inventera pendant deux mois et avec une centaine de spectateurs mobilisés au jour le jour des rencontres originales avec le public. Incontournable.

Bovary
mis en scène par Tiago Rodrigues,
du 11 avril au 26 mai
au Théâtre de la Bastille