Avant d’être une rétrospective sur l’œuvre imposante de Martin Scorsese répartie en sections thématiques – les motifs emblématiques de son cinéma (la famille, la crucifixion, New York), les hommages qui parcourent ses films (Hitchcock en tête), ou encore Scorsese au travail (l’écriture des films, les tournages, le son et la musique) –, l’exposition avait d’abord été pensée comme une présentation de ses story-boards. Et au fil de la scénographie, à la fois ténébreuse et parsemée de pépites (une reconstitution de l’appartement de son enfance, des extraits de ses films plus ou moins célèbres…), il faut bien dire que les pièces les plus passionnantes de cette exposition restent sans doute les fameux story-boards du cinéaste, qui éclairent bien sa manière de travailler : depuis tout petit, Scorsese dessine du cinéma. Asthmatique, il ne peut pas faire de sport avec ses camarades ; il invente donc ses propres films, armé d’un simple crayon sépia. Ses dessins de jeunesse correspondent tous au format 1,33, qui est celui des films qu’il regarde sur le téléviseur familial. Il fantasme aussi un péplum intitulé The Eternal City, avec au casting Marlon Brando et Richard Burton… Ici exposée, l’affiche de ce film rêvé attendrit, parce qu’elle révèle déjà l’incroyable méticulosité du réalisateur. Sur le story-board de Taxi Driver (1976), dont l’original est en partie montré, des flèches, indiquant les zooms ou les panoramiques, donnent l’impression que les images sont vivantes. Sur celui de Raging Bull (1981), c’est un rouge criard figurant le sang qui capte l’attention, en tranchant nettement avec le noir et blanc des cases. L’exposition permet ainsi de voir évoluer le tracé du grand « Marty » qui confessait, lors de la conférence de presse de l’exposition, mi-octobre, devoir désormais travailler avec des artistes – comme Karl Shefelman pour Shutter Island – pour rendre ses dessins déchiffrables par le reste de l’équipe, son trait, trop rapide, étant devenu quasiment illisible. Toujours est-il que, même à l’heure des prévisualisations numériques qui tendent à remplacer les story-boards, Scorsese commence toujours ses grands films par un modeste coup de crayon.
« Scorsese, l’exposition »
jusqu’au 14 février
à la Cinémathèque française