Avec une patience d’horloger, cet artiste allemand fabrique et photographie depuis vingt-cinq ans des répliques miniatures et hyperréalistes de lieux vides où se sont déroulées des scènes historiques. Ne reste plus que la trace de l’événement, d’où toute présence humaine a été escamotée. D’Adolf Hitler à Bill Gates en passant par Saddam Hussein, le jeu de piste est ouvert : chambre plongée dans un clair-obscur, tablée de restaurant, salle de contrôle, passerelle aéroportuaire, tunnel routier, grotte ou étang… Tout est reproduit au détail près sous forme de maquettes en trois dimensions, conçues avec une méticulosité extrême à l’aide de carton coloré et de papier. Chaque fac-similé est ensuite photographié en studio, sous une lumière et un angle précis, avant d’être détruit. Il n’en subsiste que l’image rémanente, laissant affleurer une impression de déjà-vu.
Chez Thomas Demand, tout n’est qu’illusion et faux-semblant, au point de susciter le malaise. En peaufinant le trompe-l’œil, l’artiste attire l’attention sur ces décors faussement anodins que nous gardons en mémoire et qui façonnent notre perception du monde. Le bégaiement de l’histoire, ne serait-ce pas cette réalité falsifiée, laissant présager de funestes projets politiques ? Le leurre fonctionne en tout cas à merveille, incitant à rester sur ses gardes face aux images que nous ingurgitons.
> « Thomas Demand. Le bégaiement de l’histoire », du 14 février au 28 mai au Jeu de Paume