Si l’on devait comparer le travail de l’artiste né à Tunis en 1978 à un instrument, ce serait sans doute à une loupe ou à une lentille, pour son effet grossissant – et souvent révélateur –, à l’image de cette goutte d’eau qui vibre presque imperceptiblement au rythme du pouls animant les veines de l’avant-bras sur lequel elle repose. Oscillant entre apparition et disparition, l’univers ténu d’Ismaïl Bahri déroule une poétique de l’image et du geste combinant simplicité et puissance. Qu’elles deviennent le réceptacle d’un écoulement de sable ou quelles tiennent par les deux bouts une feuille de papier se consumant circulairement par son centre, les mains sont ici omniprésentes. Chaque action confère sa durée à la vidéo, qui l’enregistre et la donne à voir en même temps qu’elle déploie, par une grande maîtrise du cadrage (et du hors-champ), des espaces empreints de sensibilité relevant tant du champ perceptif que politique. Point de chute de l’exposition et ligne de mire vers l’extérieur, Foyer, film réalisé à Tunis avec une caméra masquée par une simple feuille de papier blanche sur laquelle s’impriment les variations lumineuses et colorées créées par les appels d’air, laisse entrevoir le paysage social ambiant via sa bande-son, nourrie des paroles des habitants réagissant à l’expérience artistique en cours. Ou quand faire écran rime avec projection et révélation.
«Instruments»
jusqu’au 24 septembre
au Jeu de Paume