
Cet article fait partie de notre nouvelle rubrique, HA HA HA !, tenue par notre journaliste Renan Cros, qui chronique d’un point de vue personnel une tendance dans le monde de l’humour.
Pour résumer : on est fatigués. Je me permets une généralité parce que j’ose croire que la somme de mon seum est une addition partagée. Ça va passer, j’espère, mais, en ce moment, donnez-moi dix minutes et je ne fais rien. C’est-à-dire, je scrolle sur Instagram. C’est fou à quel point les gens sont productifs sur Instagram. Alors que moi, vraiment, j’y suis la décroissance incarnée. Entre deux vidéos de chats (mignons), de fans de Taylor Swift (les meilleurs) et de gens qui dansent (beaucoup trop d’énergie pour moi), il y a les gens drôles. Et eux, ils m’impressionnent.
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Diane Segard poste chaque jour un personnage, face caméra : une mère, une copine, une sœur, une collègue de bureau, une galerie de femmes qui craquent. Chaque fois, la comédienne documente notre seum, le cajole, le boxe, le sublime en quelques minutes qui font un bien fou. Un pétage de plomb numérique par procuration. Ça se dit « catharsis » en grec. Les Grecs, Jessé, c’est son truc. Lui, sur Instagram, c’est sa vie qu’il commente, transformant ses aventures sentimentales en feuilleton hilarant avec une pointe d’ironie, de trash et d’autodérision. L’un comme l’autre sont sur scène en ce moment. Alors, par pure abnégation journalistique (le Pulitzer, sinon rien), j’ai arrêté de scroller pour aller voir des gens en vrai. C’est bien, les gens en vrai. C’est mieux, même.
Dans Parades, Diane Segard ne perd rien de son humour mordant, de ses personnages improbables, de son goût du jeu. Mais, ici, la minute chrono de la vanne laisse place à une comédienne qui se demande si c’est bien normal que les gens se soient déplacés pour venir la voir. Le syndrome de l’imposteur, le sentiment que tout va vite, qu’elle déjoue de sa plume (de paon) en faisant défiler des personnages qui viennent s’excuser, s’expliquer, prendre la lumière à sa place. Touché. Jessé, lui, arrive seul sur scène avec son Message personnel. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que le titre est aussi Hardy que hardi. Seul face au micro, le jeune homme navigue en funambule de la vanne et réussit un numéro d’équilibriste sur le fil du tendre, du trash, du grave et de l’hyper hyper drôle. Plutôt que de Tinder et de plans cul, il parle d’être fils d’agricultrice, de communisme, de harcèlement, de filiation, d’être soi malgré les autres. Méchamment drôle comme une chipie et sensible comme les vrais bonshommes. Touché (bis). Parfois, les petites cases d’Instagram cachent en fait de grands espaces… Même quand, mais surtout quand on n’a plus de batterie.
Parades de Diane Segard, au Casino de Paris du 9 au 18 janvier 2025, et en tournée jusqu’en avril 2025
Message personnel de Jessé, au Palais des glaces jusqu’au 10 janvier 2025, et en tournée à partir du 3 avril 2025