« Disco, I’m Coming Out » à la Philharmonie : une expo pour penser la facette politique du disco

Jusqu’au 17 août, la Philharmonie de Paris explore dans une expo récréative la face militante du disco. Et vient dénicher, derrière les rythmes et les synthés endiablés, la fureur politique trop souvent oubliée de cette musique née dans les communautés opprimées.


"Paradise Garage"
"Paradise Garage" © Bill Bernstein, 1977

Sous les paillettes, la colère. Le programme de l’exposition pourrait se résumer ainsi. Son sous-titre est tout aussi parlant : « I’m Coming Out », emprunté au hit de Diana Ross sorti en 1980, peut s’entendre autant comme une injonction à se « relever » dignement que comme un appel à une « sortie du placard » adressé à la communauté LGBTQI+. Si la Disco Ball en forme de molécule d’éther conçue par la française Jeanne Susplugas nous accueille à bras ouvert dans le monde noctambule et féérique du disco, c’est pour mieux nous en révéler plus tard les souterrains profonds, parfois obscurs.

PULSATION  ENGAGÉE

Les commissaires de l’expo, Marion Challier, Jean-Yves Leloup et Patrick Thévenin, ont choisi deux évènements sociopolitiques pour borner l’âge d’or du disco. D’un côté, les émeutes de Stonewall – en 1969, les clients d’un gay new-yorkais se révoltent contre une descente de flic, marquant le point de départ de la lutte LGBTQI+ et de la Marche des Fiertés –, de l’autre, la Disco Demolition Night. En 1979, des fans de rock procèdent à l’autodafé de vinyles de disco dans un stade de Chicago. Le mouvement « disco sucks », l’arrivée de Ronald Reagan à la Maison-Blanche et l’épidémie du Sida viendront mettre une claque conservatrice à la fièvre disco. Pour bien comprendre cette expo-balade, qui ébauche plus qu’elle n’offre une historiographie exhaustive, il faut retenir ces deux traumatismes.

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Entre les deux, une scénographie ludique, pensée comme une discothèque avec piste de danse, avec une playlist signée Dimitri from Paris et des œuvres pop – Andy Warhol, Keith Harring –, des styles signés Loewe dédiés à Divine, des photographies en noir et blanc de Meryl Meisler… Elle nous rappelle à quel point la fièvre du disco n’était pas seulement celle des corps sensuels, des chorégraphies brûlantes.

©Meryl Meisler Studio 54 NYC 1977
© Meryl Meisler Studio, 1977

Né du métissage de la culture noire, nourri du funk, des percussions de la musique latino, le disco devient rapidement une utopie libertaire dans les années 1970. Le dance-floor incarne un espace social où les minorités, femmes, noirs, communautés gays peuvent se mélanger sans peur d’être discriminés. C’est la fin de la danse en couple, l’apogée de la danse comme élan commun et révolutionnaire. Les détracteurs du disco y voient une parade débridée, où germent des revendications féministes, sociales, antiracistes.

DISCO FOREVER 

Malgré ce bornage strict, l’expo excède les limites temporelles de son sujet, souligne les ramifications infinies du disco. Le genderfuck, qui consiste à brouiller les indices de genre par le travestissement, le queer, les luttes intersectionnelles, l’inclusivité, la revendication d’une culture de masse comme digne d’intérêt, l’amour des divas et l’excès comme façon de se réinventer… Tous les grands enjeux contemporains germaient déjà au creux des basses de la Motown, de Donna Summer et The Temptations.

En fin de course, on se rappelle alors que la mondialisation et la popularité du disco – Sheila, John Travolta et La Fièvre du samedi soir en leur temps, aujourd’hui Juliette Armanet, les Daft Punk jusqu’à Dua Lipa – doit à son groove mais surtout à la permanence tragique de ses combats.  

Disco – I’m Coming Out jusqu’au 17 août 2025 à la Philharmonie de Paris