MAMMA MIA !
(c) Stage Entertainment
Un mariage sur une île grecque, une mère et sa fille, la recherche d’un père parmi différents ex – le tout en chansons. Si, à la lecture de ce résumé, vous revoyez Meryl Streep faisant le grand écart en salopette, vous êtes au bon endroit. Mamma mia !, gros succès au cinéma à sa sortie en 2008, se joue depuis près de vingt-cinq ans sur scène à Londres et à Broadway, où une foule joyeuse suit les aventures de Donna sur fond de tubes d’ABBA. Les fameux « Dancing Queen », « Gimme! Gimme! Gimme! » ou encore « The Winner Takes It All » y deviennent les propos des personnages et font avancer l’intrigue. L’effet est imparable : un mélange de théâtre et de karaoké géant dont les répliques sont des tubes. Après un premier tour de piste en 2010 à Mogador, le spectacle revient en France au Casino de Paris. Avec un détail en plus : les tubes disco du groupe suédois passent de la langue de Shakespeare à celle de Molière. Si l’on s’étonne aux premiers mots, très vite l’histoire prend le pas et l’on redécouvre ces chansons qu’on écoutait sans vraiment les comprendre. Les puristes d’ABBA feront la moue, mais l’expérience démontre aussi que la force d’une chanson pop, c’est d’appartenir à tout le monde.
Théâtre · Les spectacles immersifs débarquent à Paris
SPAMALOT
(c) Thomas Nicolon
Quelques rues plus loin, voici un autre monument du cinéma : les Monty Python et leur humour so british. Adaptée du fameux Monty Python. Sacré Graal (sorti en salles en 1975), la comédie musicale Spamalot a été créée par l’un des Python lui-même, Eric Idle, en 2005. Pierre-François Martin-Laval l’avait adaptée en français et mise en scène à Paris en 2010 puis en 2013. Le réalisateur et comédien, ancien de la troupe des Robins des Bois aux côtés de Marina Foïs, se saisit du spectacle pour en livrer une nouvelle mouture. Il s’amuse à transposer l’humour des Python à la française, cherche des équivalences aux jeux de mots, remplace des références, trouve d’autres rimes, et gomme ce qui ne fait plus rire aujourd’hui. Burlesque et joyeusement idiot, le spectacle devient l’hommage d’un artiste à un autre, un mélange d’influences, un spectacle à l’anglaise mais très français pour raconter la légende du roi Arthur, et propose une autre réponse au Brexit.
Festival d’Avignon : 6 spectacles pour sortir des sentiers battus
HEDWIG AND THE ANGRY INCH
(c) Grégory Juppin
Au Café de la Danse, un autre spectacle fait le pont entre plusieurs cultures. Durant quelques soirs, là-bas, on accueille une star et son groupe pour un récital en forme d’autobiographie punk. Les amateurs de ciné indé américain auront reconnu le célèbre personnage de John Cameron Mitchell, créé d’abord pour la scène off-Broadway en 1998 puis adapté au cinéma en 2001. Sur des musiques et des paroles de Stephen Trask, Hedwig, femme trans venue d’Allemagne de l’Est, raconte son parcours, sa jeunesse, ses amours déçues et la violence de l’Amérique. Récemment repris à Broadway par de grands noms comme Michael C. Hall ou Neil Patrick Harris, le show arrive à Paris après un été au festival d’Avignon. Là aussi, l’attente est énorme. Comment traduire la beauté glam punk de chansons comme « Tear Me Down », rageuse présentation au public, ou la force cosmique et mélancolique de « The Origin of Love » ? Même chose pour le livret parlé, véritable performance de Hedwig, chanteuse et stand-upper à la fois. Dominique Guillo, le metteur en scène de cette version française, fait le choix judicieux d’un entre-deux. Revenant aux sources du spectacle, il assume le récital : Hedwig chantera les chansons qu’elle a écrites en anglais. Mais, polyglotte européenne, elle s’adresse au public dans un savoureux mélange de français teinté d’un improbable accent allemand et d’une pointe d’américain. Une partition dingue, incarnée avec une grâce et une audace impressionnantes par Brice Hillairet. L’acteur donne tout, se fond en Hedwig, provoque et émeut. Mais surtout assure le show, bien entouré par un excellent groupe. Jouant avec les projections vidéo, le spectacle surtitre les chansons, donne à en lire la profondeur tout en gardant l’énergie contagieuse de la musique. Soudain, le concert se fait confidence furieuse, stand-up bouleversant, épopée queer électrique. Une transposition mutante, fidèle à l’esprit généreux et iconoclaste de John Cameron Mitchell.
LE NOUVEAU LIDO
(c) DR
Mais parfois, traduire, c’est trahir, comme le veut la maxime. C’est en tout cas ce que pense Jean-Luc Choplin, le directeur du Lido 2, pensé comme le nouveau temple de la comédie musicale. Finis les plumes et les repas à la chaîne, le fameux cabaret des Champs-Élysées se refait une jeunesse. Rénové, le lieu va désormais accueillir des productions ambitieuses jouées en version originale. À partir de décembre, on pourra donc y entendre du Stephen Sondheim résonner en anglais. Trésor national, Sondheim est peut-être le compositeur et le parolier américain le plus révéré par les fans de comédies musicales. Alors qu’au Châtelet on jouera, également en V.O., West Side Story qu’il a coécrit (une programmation qu’on doit également à Choplin, ancien directeur du lieu), au Lido 2, son plus gros succès de Broadway, méconnu en France, tiendra l’affiche, A Funny Thing Happened on the Way to the Forum, rebaptisé Le Forum en folie lors de la sortie française de son adaptation cinéma en 1967. Une farce de l’auteur comique latin Plaute transformée en comédie burlesque et chantante. Un show emblématique pour les Américains, considéré comme l’un des plus drôles de Broadway, réinventé à Paris avec la crème des artistes anglo-saxons. Une façon pour Choplin de réinscrire Paris sur la carte mondiale des comédies musicales, à l’instar de Londres et de New York. Surtitré, le spectacle s’adresse à tout le monde, proposant une sorte d’opéra populaire, un joyeux bazar finement orchestré. En février, le génial Rocky Horror Picture Show viendra électriser les Champs-Élysées. Du théâtre en V.O., peut-être une habitude à prendre, comme on préfère aujourd’hui savourer un film dans sa langue originale.
Mamma Mia ! de Benny Andersson et Björn Ulvaeus au Casino de Paris, du 21 octobre au 21 janvier 2024
Spamalot de Pierre-François Martin-Laval au Théâtre de Paris jusqu’au 7 janvier 2024
Hedwig and the Angry Inch de John Cameron Mitchell au Café de la Danse, jusqu’au 18 décembre
Lido 2 Paris, 116, avenue des Champs-Élysées, 75008 Paris