Performeuse ardente, engagée et vorace, Rébecca Chaillon était cannibale dans Monstres d’amour (Je vais te donner une bonne raison de crier) en 2016, puis supportrice d’une équipe de foot féminine dans Où la chèvre est attachée, il faut qu’elle broute (2018). Après s’être appliquée à démonter la lesbophobie et le sexisme, Chaillon s’attaque dans sa dernière création, Carte Noire nommée Désir, aux stéréotypes racistes et pose cette question : comment construire son désir quand on est une femme noire, face à une myriade d’injonctions paradoxales ?
Sur scène, huit interprètes – toutes des « personnes noires assignées femmes », comme le précise l’autrice dans sa note d’intention – traversent ces stéréotypes aliénants imprégnés de l’histoire coloniale du corps noir objectifié, exotisé et érotisé, qui persiste dans les imaginaires. À l’instar de l’aventureuse Alice de Lewis Caroll, elles tracent leur chemin dans un monde hostile qu’elles goûtent – grâce à un décor comestible – et ne cessent de se métamorphoser, pour devenir insaisissables. Autre particularité du spectacle : il réserve un espace en non-mixité, appelé « coco·n », pour les spectatrices noires. Une manière de questionner ce que l’on perçoit sur scène en fonction de la place qu’on occupe et de semer le trouble dans le dispositif de la représentation.
Image : © Marikel Lahana