EXPO · « À partir d’elle », une déclaration d’amour photographique aux mères des artistes

Dans cette exposition thématique, le Bal, espace dédié à la photo documentaire, dévoile une sélection de vingt-cinq artistes, de Mona Hatoum à Hervé Guibert en passant par Chantal Akerman. Photos, vidéos, mais aussi textes littéraires imprimés en grand format composent une multitude de regards, aussi touchants que singuliers, sur la figure de la mère, et pas n’importe laquelle : la leur. Morceaux choisis.


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MICHEL JOURNIAC 

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Michel Journiac, Propositions pour un traversti incestueux et masturbatoire, 1975 (c) Michel Journiac / Adago

Grande figure de l’art contemporain des années 1970, pionnier du body art, le plasticien français Michel Journiac se dévoile dans une série de clichés en noir et blanc. Travesti en femme bourgeoise de la seconde moitié du xxe siècle, il pose ainsi vêtu à côté de sa mère. Bien que l’on distingue évidemment qui est qui, la similarité des silhouettes et des attitudes expose le lien de filiation très fort qui unit les deux. Familier du travestissement pour se mettre en scène, Michel Journiac adopte ici une démarche bien plus intime et bien plus tendre que l’habituelle flamboyance associée au jeu sur les codes genrés, appuyée par un noir et blanc qui impose une certaine sobriété.

RAGNAR KJARTANSSON

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Ragnar Kjartansson, Me and My Mother 2015 (c) Ragnar Kjartansson – Courtesy of the artist

Dans trois panneaux vidéo, l’artiste islandais Ragnar Kjartansson se met en scène à côté de sa mère. Tous les deux se tiennent immobiles face caméra ; la vieille dame se tourne de temps à autre vers lui pour lui cracher dessus. Dans ce geste répétitif déroutant, tout l’humour subtil et irrévérencieux de l’artiste contemporain se déploie. Bien connu pour ses installations vidéo exposées à travers le monde, l’Islandais évoque ainsi en filigrane, malgré le caractère provocateur des crachats répétés, une relation construite sur la tendresse. La routine qui s’installe au gré du triptyque, dans lequel les deux protagonistes apparaissent différemment habillés, se fait aussi belle qu’hypnotique.

ILENE SEGALOVE 

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Ilene Segalove, the Mom Tapes, 1974 (c) Ilene Segalove

Assise au bord d’un lit, mal éclairée, la femme semble sur le point de se lever ou de se coucher. Elle nous regarde, comme si nous le dérangions. Cette photo est issue d’une vidéo d’une vingtaine de minutes, dans laquelle l’Américaine Ilene Segalove nous invite dans une double intimité. Celle de la maison, espace de tous les secrets, mais aussi de la famille, avec un personnage en particulier, sa mère. Dans une interview déambulatoire, les deux offrent à travers leurs échanges un véritable panorama entre deux générations au milieu des années 1970. Aussi drôle qu’éclairante, la discussion, un brin mélancolique, témoigne d’une période désormais révolue. 

GAO SHAN 

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Gao Shan, de l’ensemble The Eight Day, 2013-2016 (c) Gao Shan

Tirée de son ouvrage photographique The Eighth Day, publié en 2019, cette image singulière d’ongles recouverts d’orange vient alimenter la documentation du livre autour d’une figure chère à l’artiste Gao Shan : sa mère adoptive. Arrivé dans ses bras huit jours après sa naissance (d’où le titre du livre), le photographe détaille dans des images intimes et colorées la relation particulière qui le lie à cette femme. Avec des plans rapprochés sur son corps, c’est tout un rapport de filiation qui se dévoile, centré autour de la très complexe question de l’adoption. Alors que leur relation était, comme il le décrit lui-même, froide et marquée d’indifférence, c’est tout l’inverse qui se déploie au fil des images. 

LEBOHANG KGANYE

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Lebohang Kganye, Ka mosa wa malomo kwanaa 44 III, de l’ensemble Ke Lefa Laka. Her Story, 2013 (c) Lebohang Kganye – Courtesy of the artist

Dans une série de clichés nommés Ke Lefa Laka. Her Story, la photographe sud-africaine Lebohang Kganye distille un imaginaire onirique lié au double fantomatique. Par le biais de photomontages numériques créés à partir de photographies de sa mère dans sa jeunesse, l’artiste se met en scène à ses côtés dans un troublant dédoublement. Entamé après le décès de sa mère, ce travail est marqué par les questions d’héritage et de mémoire. Souhaitant se reconnecter à sa mère, et animée par la volonté de montrer leurs puissants liens de filiation, la photographe rend un vibrant hommage à sa mère disparue. 

« À partir d’elle. Des artistes et leur mère », jusqu’au 25 février 2024, au Bal