Composé par Sing Sing (chant qui gratte, guitares), décomposé par Éloïse Decazes (chant qui vole, improvisations, greffes et collages de magnétophones, claviers, bulbul tarang, etc.), recomposé enfin avec Ernest Bergez (Sourdure) au mixage, Turnetable est l’album le plus psychédélique (foisonnement mouvant de timbres, textures, fréquences) du duo, penchant vers les Beatles, Sun Ra ou Maher Shalal Hash Baz.
« On ne sait pas si c’est un anglicisme ou un néologisme, avec ce “e” qui vient féminiser le “turn” anglais », explique Sing Sing. « C’est la platine disque qui fait tourner les tables pour faire parler les fantômes, c’est l’objet disque comme instrument spirite. » Ces chansons populaires expérimentales, bouturées de fanfares désaccordées, de bandes analogiques fantomatiques et de chœurs de Sioux, réveillent les morts avec des incantations chamaniques défiant dans une toute-puissance enfantine l’apocalypse (« Oh bagnole », où les objets ont leur vie propre), la guerre (le glaçant et annonciateur « Bain de sang »), ou Dieu (« un trou dans le langage », dans « Des amis »).
Avec cette table rase chantée « en langue chien », où les arbres sont « explosifs » et le soleil, « un fusil », Arlt ressuscite encore, à l’intransitif (eux-mêmes) et au transitif (nous autres).
Image : Marie Losier