LIVRE : « Par instants le sol penche bizarrement », autopsie d’un traducteur

Tout lecteur de romans étrangers devine la difficulté de la traduction, mais on ne prend la mesure du défi qu’avec des exemples.


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Nicolas Richard, traducteur, revient dans Par instants, le sol penche bizarrement sur les livres qu’il a traduits depuis trente ans, des poèmes de Richard Brautigan aux romans de Thomas Pynchon ou aux Mémoires de Barack Obama. Comment restituer l’argot ? Les accents ? Les fautes de syntaxe volontaires ? Que faire face aux marques inconnues en France, aux jeux de mots, aux citations non sourcées ? Il y a la solution de la note en bas de page, mais il est si gratifiant de s’en passer…

Autre délicatesse, les termes à haute portée symbolique. Dans Le Dernier des Mocassins, Charles Plymell écrit « spade », terme utilisé jadis par les Blancs pour désigner les Noirs. Ce n’est pas « nigger », mais ce n’est pas anodin pour autant. « Ce mot, explique alors Richard, me rappelle que ma mission consiste à dire l’esclavage en Amérique, les plantations de coton, les luttes pour les droits civiques, le blues du Mississipi et le jazz de La Nouvelle-Orléans avec le lexique du colonialisme français en Afrique noire. » Quand la traduction se charge d’enjeux éthiques…

Des dizaines de hard cases similaires sont passés au crible dans le livre, avec humour et sans didactisme. Autoportrait du traducteur, esquisse de bibliothèque idéale et recueil d’énigmes à résoudre, ce voyage dans les coulisses sera le complément parfait de vos lectures anglo-saxonnes de l’automne.

de Nicolas Richard (Robert Laffont, 476 p., 22,90 €)

Photo (c) Copyright Olivier Martin-Gambier