3 personnages de fiction qui vous représentent le plus ?
Tigrou, parce qu’une de mes ex qui m’appelait comme ça. J’avais certaines caractéristiques de ce félin très gentil. Gentil et qui se fait parfois avoir par les autres à cause de cela. Je dirais Albator [Albator est un personnage de fiction créé par Leiji Matsumoto en 1969, ndlr], parce que c’est un héros seul contre tous, isolé dans l’espace. Il voyage de planète en planète et poursuit son but de façon isolée. C’est un personnage assez meurtri, un survivant, il a d’ailleurs une cicatrice au visage. Quand on est artiste, c’est parfois ce qu’on traverse. Même s’il on a du succès, il y a toujours des choses qui ne marchent pas. On traverse l’Atlantique à la nage… Généralement, on fait plein d’œuvres et puis tout échoue sans arrêt. Jusqu’à un miracle dans une vie, un morceau dans le cas d’un musicien. C’est cet isolement qui me lie à Albator. Et enfin, je dirais Icare. C’est un personnage mythologique qui, en s’approchant trop près du soleil, finit par tomber. Je me dis parfois que j’ai beaucoup sacrifié pour la musique, mais finalement, est-ce que je ne passe pas à côté de la vie ? Est-ce qu’il ne s’agit pas d’un non sens, finalement, de se concentrer trop sur le travail et la musique ? On se confronte souvent à plafond de verre dans la vie. En fonction de qui on est, de son âge, de ce qu’on renvoie à la société, on ne pourra jamais atteindre son but.
3 musiques de films entêtantes ?
La musique d’Inception. Je l’ai découverte car on m’avait demandé de faire une reprise pour une synchro. Le thème au piano, qui est très connu, est finalement très simple. Chez Hans Zimmer, la musique est souvent simpliste mais très bien orchestrée. J’ai beaucoup appris en analysant son orchestration très moderne, qui a bouleversé la musique de film. Il y a aussi la musique de Pierre Bachelet dans Coup de tête de Jean-Jacques Annaud. L’air, le sifflement dans le film, cette musique enfantine, qui est très connue en France, représente vraiment mon enfance. L’insouciance des années 1970. Cet espèce de bien être dans la société. Alors qu’aujourd’hui, on est dans une société ultra violente. D’une certaine manière la musique, le rap, etc, sont devenus dark et méchants. Ça n’aurait pas marché à l’époque. Pour en citer une dernière, je dirais la BO du Mépris signé par Georges Delerue. C’est aussi mon époque et c’est peut-être la quintessence de la musique de film française qui est ultra romantique. Elle correspond à la période post-Nouvelle vague et c’est le romantisme absolu.
Vos 3 comédies musicales préférées ?
Singin’ in the Rain (Chantons sous la pluie) de Stanley Donen. Je l’ai vu quand j’étais enfant et j’ai adoré les images en technicolor. La chanson et son air sont passés dans l’usage quotidien des gens. C’est un coup de génie. Il y a aussi Annette [de Leos Carax, ndlr], qui est vraiment un chef d’œuvre inconnu. La musique des Sparks est tellement pop, tellement belle, simple et parfaitement orchestrée, avec ses énormes violons. La mélodie est entêtante et les paroles sont très belles. J’ai acheté le vinyle, donc j’ai hâte de réécouter les musiques. Enfin, je citerais The Rocky Horror Pictures Show [de Jim Sharman, ndlr]. Dans le spectacle du groupe Air, on a repris le concept de la bouche qui parle sur un fond noir. Le film est ultra politiquement incorrect pour l’époque. Encore une fois ce sont les années 70, sans limites. Le film est également très drôle. À Paris, il y a un cinéma qui le passe très souvent et lorsque les gens viennent le voir, ils jettent de l’eau et du riz pendant la séance, comme si le visionnage était déjà une expérience en soi.
Le film à regarder à 3h du matin, une nuit d’insomnie ?
Enter the Void de Gaspar Noé. Car c’est un film très onirique et ultra dark, qui porte sur la mort et le sens de la vie. Je pense qu’il vaut mieux le voir la nuit, comme un rêve cauchemardesque, afin que l’expérience du film se mixe avec celle du rêve et qu’on puisse après l’analyser. C’est un film assez traumatisant à vrai dire. C’est curieux que Gaspar Noé ait réalisé ce film, car c’est son plus soft mais le plus profond sur l’expérience de la vie.
3 films dont vous auriez aimé signer la BO ?
Blade Runner (1982) de Ridley Scott, car c’est un énorme classique. Le thème de Vangelis est très beau. Le sommet du film, c’est au début, quand le vaisseau spatial arrive devant cette grande ville. Vangelis a vraiment inventé la musique synthétique grandiose, qui a profondément marqué la musique de film. Moi et tous les musiciens qui font des synthés ont pour référence ses sons. Il y a aussi la BO de 1917 par Thomas Newman. Le film est génial et est lié à mon enfance. Quand j’étais petit – je suis originaire de l’Est de la France – tous les gens de mon enfance ont été marqués par le souvenir de la Première Guerre mondiale. Dans la maison familiale, il y avait encore des baïonnettes, mais aussi des monuments aux morts dans le village. Le traumatisme de cette guerre inhumaine a imprégné mon enfance, donc mon rapport au film était particulier. Et puis la musique est grandiose et puissante. Il y a de très belles harmonies. Il y a aussi Edward aux mains d’argent, car le thème musical est très émouvant. Les coeurs sont très beaux.
3 compositeurs ou compositrices de musique de films avec lesquels vous aimeriez dialoguer ?
Bernard Herrmann déjà. C’est le compositeur qui a posé les bases de la musique de film moderne. La musique de Vertigo d’Hitchcock imprègne les œuvres contemporaines, elle est très bien composée. C’est aussi le maître du suspense musical. Et alors pour l’orchestration, c’est vraiment un exemple. Bernard Herman est vraiment un manuel pour composer de la musique de film. Pour Thomas Newman, il y a bien sûr la musique de American Beauty de Sam Mendes qui est ultra romantique, mais aussi une réflexion sur la société américaine. L’orchestration est très belle avec ses percussions. C’est d’ailleurs assez original de mettre des percussions via des vibraphones qui font à la fois des notes et des percussions. En dernier, je dirais Ludwig Göransson notamment pour sa musique des séries [The Mandalorian et Le Livre de Boba Fett, Disney+]. Il a vraiment créé un mixte hybride entre la musique acoustique et électronique. Il a complètement apporté ça au cinéma. Il y a des timbres ultra originaux avec des instruments quasiment exotiques. Et puis la largesse des instruments acoustiques.
3 acrobaties ou cascades marquantes au cinéma ?
La danse de Louis de Funès dans Les Aventures de Rabbi Jacob [de Gérard Oury, ndlr]. Cette danse est en réalité très bien faite et très difficile. De Funès est vraiment le clown de ma génération. Son jeu peut sembler démodé mais c’est tellement ultime, et puis ça revient un peu à la mode. Il y a évidemment Jean-Paul Belmondo. Sa cascade dans Peur sur la ville [de Henri Verneuil, ndlr], sur le métro est hallucinante. Il y en a une autre où il s’accroche à la barre d’un hélicoptère et tient. C’était vraiment un grand cascadeur. La chute de King Kong dans la version de Peter Jackson. Dans ce film, j’ai vraiment éprouvé le vertige. Une scène mythique du cinéma.
L’acteur ou l’actrice qui vous fascinait à 13 ans ?
David Bowie. Quand j’avais 13 ans, j’ai découvert Happy Christmas Mr Lawrence [Furyo] avec Bowie et cet acteur japonais, Ryūichi Sakamoto. J’ai été très impressionné par le film. En même temps, il y a eu la sortie de l’album Let’s Dance. C’était vraiment une année David Bowie. Puis j’étais fascinée par ce personnage d’acteur et chanteur.
3 artistes qui mériteraient un biopic ?
David Byrne, car j’ai récemment vu son concert Stop Making Sense et son dernier concert à la Philharmonie et ça a vraiment été une claque. C’est vraiment une sorte de chorégraphe et danseur qui a vraiment inventé quelque chose du point de vue scénique. Il y a aussi son livre How Music Works. Ce mec a bouleversé l’histoire de la musique. Même s’il a une série documentaire Netflix, je dirais Quincy Jones, car sa vie est fascinante. Il a débuté comme jazzman dans les bas fonds de New York et il monte les échelons au point de bosser avec Frank Sinatra et Michael Jackson. Il a un talent fou pour créer du rythme et en tant que producteur. Enfin, je dirais Prince qui est mythique. Mais ce qui est curieux c’est qu’on ne connaît pas grand-chose de sa vie personnelle. Connaître ses histoires sentimentales, mais aussi ses premiers pas dans la musique.
Image : © Pascale Arnaud