
Ceux qui ont vu J’ai perdu mon corps n’ont certainement pas oublié la mélancolie dévorante de « La Complainte du soleil » qui planait sur le générique final du film animé de Jérémy Clapin : le morceau fut légitimement césarisé avec la B.O. de Dan Levy en 2020. Le songwriting de Laura Cahen est ainsi : il balaie nos défenses l’air de rien, comme le ferait une rassurante brise de mer, si bien qu’à son écoute, on oublie facilement l’ombre des nuages s’amoncelant à l’horizon.
Avec De l’autre côté, enregistré entre la côte d’Albâtre, le Kent et New York, on se fait à nouveau surprendre par sa pop-folk mi-terrienne mi-astrale. Si la chanteuse née en Lorraine prend soin de nous guider en tressant entre ses chansons des liens thématiques aussi limpides que ses arpèges de guitare (un enchevêtrement d’« astres » et de « fusées », de départs et de retours), c’est pour mieux répandre avec un calme souverain le souffle iodé de sa météo intime tourmentée. Soit le récit d’une passion entre filles sur fond de chaos mondial, amorçant une cavale romantique : ensemble, les deux amantes pourraient foncer jusqu’au précipice.
On pense à Thelma et Louise mais scrutées par Kelly Reichardt : comme la réalisatrice de Certaines Femmes, Cahen se montre attentive aux humeurs de la nature, aux récits atemporels captés en analogique. Alors qu’au loin les techno-oligarques mesurent virilement leurs fusées, la Française préfère écouter rire les mouettes. Elle invoque l’amour et les forêts dans un quasi-murmure, avec à chaque variation vocale un effet décuplé : sa façon fine d’attiser les soleils restants.
De l’autre côté (PIAS)