GEn.A : c’est la génération engagée qui invente le monde d’après. Chaque semaine, Trois Couleurs part à sa rencontre pour tirer le portrait de jeunes artistes résistant.e.s, passionnant.e.s, exalté.e.s. Aujourd’hui, Uèle Lamore, musicienne et cheffe d’orchestre.
« J’ai été inspirée par le parcours de grands musiciens qui ont pris part à cette quête un peu métaphysique de « ce qui n’existe pas encore et doit être créé ». »
Après plusieurs EP (Tracks, composé avec des sons recueillis à Kyoto, voir ci-dessous, ou Heqet’s Shadow : Return Of Glycon, pour lequel elle a utilisé l’intelligence artificielle), la jeune musicienne et cheffe d’orchestre met les dernière touches à son premier album, Loom, qu’elle jouera sur scène en janvier 2022 à la Gaîté Lyrique. Elle a également composé la BO du premier film d’Aïssa Maïga, Marcher sur l’eau, attendu le 30 novembre – un titre qui correspond bien à ce qui guide son travail : l’exploration.
On a découvert Uèle Lamore avec son Orchestre Orage, formation composée d’une dizaine de musiciennes et musiciens – majoritairement des femmes. Elle s’y est imposée dès 2017 comme rare incarnation féminine et lesbienne d’un métier encore trop masculin, celui de chef d’orchestre (seulement 4% des chefs d’orchestre sont des femmes, d’après cette étude de 2016).
Hybridant avec fulgurance électro, jazz, fusion, new wave ou soul, elle et son orchestre pas classique mais précurseur ont surtout partagé la scène avec des groupes tournés vers l’expérimentation : Grand Blanc, Agar Agar, Kodäma… Jusqu’à se faire particulièrement remarquer sur la scène du très chic Théâtre du Châtelet en 2017. Fille d’un sculpteur américain et d’une styliste d’origine centrafricaine, l’artiste originaire de Vitry-Sur-Seine a toujours mené la baguette, dans l’aventure et l’interdisciplinarité.
C’est d’ailleurs dans un souci de décloisonnement qu’elle a étudié aux Etats-Unis (aux Berklee College Of Music de Boston) et aux Pays-Bas (au Metropol Orkest) après son bac – par rapport à la France, ces écoles lui paraissaient mettre moins de frontières entre les sons. Si l’Orchestre Orage est pour l’instant en pause, Uèle Lamore fait aujourd’hui encore plus preuve d’invention en solo, continuant avec audace de défricher de nouvelles contrées inoccupées.
Uèle Lamore jouera le 25 juin au Printemps de Bourges avec Yan Wagner une création originale autour de la musique de Portishead, et le 30 septembre au Théâtre du Châtelet, en duo avec Max Cooper
Son Instagram : @uele_lamore
LE DÉCLIC : « Pour moi, le plus important est de toujours aller plus loin, d’avoir pour but de se dépasser artistiquement pour atteindre des objectifs qui au départ auraient semblés irréalisables ou inatteignables. Je pense que j’ai été inspirée et motivée par le parcours de grands musiciens qui ont toujours pris part à cette quête un peu métaphysique de « ce qui n’existe pas encore et doit être créé ». Je citerais en particulier Miles Davis qui est une grosse influence pour moi, John Coltrane, ou chez mes contemporains des artistes tels que Floating Points, Mica Levi, Flying Lotus ou Four Tet. »
LE FILM QUI L’INSPIRE : « Depuis un moment, je pense beaucoup à The Lost City of Z de James Gray. Ce film m’a vraiment marquée. L’histoire de cet explorateur complètement dévoré par sa quête, la question de l’inégalité sociétale entre l’homme et la femme qui y est montrée de manière très concrète, la musique sublime, les paysages vertigineux, et cette sensation que je trouve assez rarement bien retranscrite dans les films, du temps long qui s’écoule. »
Portrait : © Antoine de Tapol