Les tueurs, David Fincher en filme depuis son culte Se7en (1995) jusqu’à la série Mindhunter (2017-2019), qui dissertait sur le psychisme du serial killer. Ça tombe bien : le public n’en a jamais autant raffolé. Et surtout depuis la démocratisation du true crime, genre dont Netflix s’est fait la spécialité.
Coïncidence ou pas, Fincher s’est délocalisé sur la plateforme depuis Mindhunter. Alignement des planètes qui trouve ici un bel écrin, par un effet de contrebande dont seuls les grands cinéastes ont parfois le secret ; c’est que Fincher connaît les tueurs comme s’il les avait inventés. Au point d’en proposer une variation distanciée, qui fait tant la part belle à l’autocitation qu’aux archétypes.
Si Wes Craven réalisait son « néo-slasher » avec Scream (1996), Fincher s’inscrit dans cette filiation avec The Killer – au titre déjà ironiquement générique. Les abonnés Netflix veulent des monstres, le cinéaste leur en offre ; soit un tueur à gages anonyme campé par le séduisant Michael Fassbender, froid, solitaire, méthodique. Un parmi les centaines qui envahissent nos écrans et dont le « masque » interchangeable n’a rien à envier au Ghostface de Craven. Conscient de lui-même, le film nous propose un deal : se repaître d’une énième histoire de tueur, à condition d’en pénétrer les coulisses. Démonstration faite dès l’incroyable séquence inaugurale, qui nous invite à éprouver la patience de l’assassin tandis qu’il guette – longuement – l’arrivée de sa cible.
Lars von Trier avait osé (2018), lointain cousin de The Killer, mais à la surcharge baroque Fincher préfère la minutie clinique. Une esthétique aseptisée, faussement cool – on y tue même sur la musique des Smiths – qui sied aussi bien à la philosophie du tueur qu’à un certain ordre du monde, tant l’industrie du meurtre revêt les sombres atours de l’industrie capitaliste. Surtout, The Killer nous susurre un cruel mais lucide constat : ce monde-là, c’est encore notre tueur professionnel qui s’y fond le mieux.
Le film sera diffusé sur Netflix dès le 10 novembre.