« The Brutalist » de Brady Corbet

[CRITIQUE] Jamais distribué en France, l’acteur-réalisateur Brady Corbet pourrait bien prendre la lumière avec ce troisième film aux allures de fresque classique. Dans un récit ample, le trouble destin d’un architecte réchappé des camps nazis, incarné par Adrien Brody.


Dans un récit ample, le trouble destin d’un architecte réchappé des camps nazis, incarné par Adrien Brody. Plus de vingt ans après Le Pianiste (2002), Adrien Brody revient au premier plan d’un film qui dialogue avec son succès passé. Mais l’enfer génocidaire, dans The Brutalist, reste en hors champ pour plutôt se lire dans un visage où subsistent tous les traumatismes. Après le totalitarisme de L’Enfance d’un chef (2015), puis l’empire du spectacle de Vox Lux (2018), inédits en France, Brady Corbet s’empare à nouveau d’un récit comme d’une mythologie à décortiquer.

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De tonitruant, The Brutalist n’a que le titre. Non pas que László Toth (Adrien Brody) soit une brute, mais un architecte ayant étudié au Bauhaus, affilié au mouvement architectural brutaliste. Alors qu’à la Hongrie natale du héros se substitue la statue de la Liberté et ses promesses de gloire, il découvre que son diplôme n’a aucune valeur en Pennsylvanie. Et le film de rendre hommage à ces méprisés du rêve américain, à travers la relation complexe entre l’architecte déchu et un grand industriel (excellent Guy Pearce) qui voudrait jouer les mentors. Il se met en tête de sauver Toth, lui commande un bâtiment excentrique ; mais n’est-ce pas encore la marque du plus vil mépris ?

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Pour y répondre, le cinéaste s’autorise une amplitude – plus de trois heures – de plus en plus rare au cinéma. Un temps qui n’est pas seulement celui du film, mais de ce qu’on y filme, à savoir l’édification de ce fameux bâtiment comme la lente dérive d’une relation de pouvoir. C’est dire que la construction imposée à Toth prend vite des proportions surréalistes, condamnant l’architecte comme on a condamné Sisyphe. Un châtiment sans doute pas étranger à Brady Corbet, dont les films traduisent une obstination perfectionniste, un désir de grandeur qu’on croirait tout droit sortis d’une fresque kubrickienne. Et dont chaque image relève de la plus folle gageure.

The Brutalist de Brady Corbet, Universal Pictures (3 h 34), sortie le 12 février