À New York, le sculpteur vieillissant Harold Meyerowitz (Dustin Hoffman, hirsute) réunit autour de lui ses enfants alors qu’approche le vernissage d’une rétrospective de son oeuvre, qui lui permettra peut-être d’avoir enfin la reconnaissance qu’il mérite. Dans l’appartement bourgeois qu’il partage avec sa quatrième épouse (Emma Thomson en hippie déphasée), voici donc Jean (Elizabeth Marvel, taciturne et cynique) et Danny (Adam Sandler, père au foyer empathique et à fleur de peau). Ils sont bientôt rejoints par leur demi-frère, le fils prodigue Matthew (Ben Stiller en homme d’affaire arrogant), le seul qui trouve grâce aux yeux de l’insupportable, mais comique, patriarche.
Tout à son plaisir, communicatif, d’organiser un espace de jeu pour ses acteurs, Baumbach cultive une certaine artificialité dans sa façon de frôler le psychodrame des familles bourgeoises aux liens distendus sans lui céder tout à fait (à peine entamées, les inévitables crises de nerfs sont systématiquement interrompues par un cut brutal). Sans non plus surprendre : sur un air de piano jazzy, dans des intérieurs remplis de livres et de beaux objets ou des rues de New York ensoleillées (hello Woody Allen), tout ce beau monde s’affronte en joutes verbales d’une ironie joyeuse, débitées à un rythme endiablé. Dans cette bulle légère et raffinée où le drame est sans cesse mis à distance, rien n’est jamais grave – ni l’alcoolisme de la belle-mère, ni le divorce de Danny, ni les obsessions morbides du fils de Matthew, ni la dépression chronique de Jean, ni le comportement abusif et destructeur de Harold envers tous. Forcément, l’émotion affleure difficilement, mais elle survient malgré tout par touches réconfortantes, quand les personnages parviennent à s’affranchir du refrain asphyxiant d’euphorie feinte et de rancœurs ravalées qui se joue, c’est bien connu, dans toutes les familles.
de Noah Baumbach
(1h50)