En 2007, à New York, Lucy Mirando (Tilda Swinton, affublée d’un ravissant appareil dentaire) annonce à la presse que sa multinationale lance un grand concours : 26 fermiers du monde entier vont élever chacun un super-porcelet pour en faire le plus beau et appétissant super-cochon jamais vu (puis mangé). Les curieuses bêtes en question – qui ont plutôt des faces d’hippopotames – sont présentées comme une évolution porcine obtenue de manière obscure mais « totalement naturelle et éthique ». Dix ans plus tard, l’une d’elle, Okja, a sacrément poussé et vit heureuse (c’est une femelle) dans les montagnes coréennes avec Mija, la petite-fille du fermier qui l’a élevée. On pense fort à Mon Voisin Totoro d’Hayao Miyazaki en voyant cette première partie paisible et enjouée, tant la relation entre l’ado et sa monstrueuse amie est forte. Les deux vivent en symbiose en pleine nature, la fille dormant entre les pattes de l’animal ou rentrant presque entièrement dans sa gueule pour lui brosser les dents.
Mais cette utopie ne dure pas : la multinationale vient récupérer son bien pour exposer cette belle bête à New York. Mija se lance alors furieusement à leur poursuite, comme rattachée à Okja par un cordon ombilical. Avec un grand sens du burlesque, Bong Joon-ho s’en donne à cœur joie pour caricaturer les employés de l’entreprise, entre un animateur ringard et hystérique (Jake Gyllenhaal, qui jubile dans son rôle le plus comique en date) et une patronne quinqua incompétente qui s’entraîne encore à faire sa signature, comme une enfant. Dans sa seconde partie, le film conserve sa drôlerie mais tourne en vif pamphlet antispéciste qui, s’il suit un canevas narratif un peu classique à notre goût, emporte le morceau par son sens du spectacle et les grands sentiments qui l’innervent. Un peu comme un Disney (avec du sang).
Okja de Bong Joon-ho
Netflix France (1h58)
Sortie le 28 juin sur Netflix