Le passage à l’âge adulte chez Céline Sciamma

La collectivité et le repli, la solitude et le mouvement vers l’extérieur, le dialogue intellectuel et la découverte des corps : le journaliste suisse Oswald Iten ausculte dans cette vidéo les dialectiques à l’oeuvre dans le cinéma de Céline Sciamma. Le coming-of-age movie : voilà un genre qui a surtout pris ses lettres de noblesse


La collectivité et le repli, la solitude et le mouvement vers l’extérieur, le dialogue intellectuel et la découverte des corps : le journaliste suisse Oswald Iten ausculte dans cette vidéo les dialectiques à l’oeuvre dans le cinéma de Céline Sciamma.

Le coming-of-age movie : voilà un genre qui a surtout pris ses lettres de noblesse dans le cinéma américain (Juno, Rushmore, American Graffiti, sans oublier John Hughes, maître ultime des teen movies). Loin des campus effervescents, des pom pom girls et des tournois de baseball qui forment les grands motifs de ce genre parfois un peu éculé et conformiste (paradoxalement), regardons plutôt du côté de la France et de Céline Sciamma, qui avec Naissance des pieuvres, Tomboy et Bande de filles a construit un triptyque magistral sur les contrariétés et les pulsions de la jeunesse.

Dans une vidéo-essai intitulée Physical Storytelling in Céline Sciamma’s Coming-Of-Age Trilogy, Oswald Iten ausculte, split-screens et voix-off analytique à l’appui, les échos sensibles, les souterrains invisibles qui jalonnent la filmo de la réalisatrice. Chez Céline Sciamma, le récit d’apprentissage est un mouvement émancipateur qui se traduit pas un déploiement des corps. Quand ce n’est pas en boîte nuit où les personnages cherchent à expérimenter leurs limites (Adèle Haenel dans Naissance des pieuvres), c’est dans une bulle de rêve éphémère mais puissante (la chambre d’hôtel de Bande de filles où résonne Diamonds de Rihanna) que ses héroïnes s’essaient à la liberté.

À LIRE AUSSI >> FOCUS: Le cinéma de Céline Sciamma en 4 motifs

Grandir, c’est aussi tenter d’appartenir à un groupe : d’où, dans Naissance des pieuvres, les ballets chorégraphiés sous l’eau des nageuses, les parties de foot sauvages dans Tomboy. Des moments de liesse souvent contre-balancés par des plans statiques qui disent l’introspection, le renfermement sur soi : c’est Laure/Mickaël dans Tomboy qui examine son reflet avec étrangeté dans le miroir pour saisir son identité, Marieme dans Bande de filles qui sonde son amoureux pour percer à jour son silence. Tout un body language à travers lequel Céline Sciamma nous dit que chercher l’autre, c’est parfois se battre, le rencontrer sur le mode du conflit, mais aussi apprivoiser sa différence.

Pédagogique et limpide, la vidéo explore aussi la géographie affective de la trilogie de Sciamma, composée d’artères, de passages intermédiaires, de couloirs à traverser pour franchir métaphoriquement les difficultés de l’âge, mais aussi les micro-détails grâce auxquels le spectateur est immergé dans la subjectivité des héroïnes -le grain d’une peau, un rouge à lèvres qui bave. En guise d’épilogue, on vous laisse découvrir l’analyse par Oswald Iten de Portrait de la jeune fille en feuqui selon lui synthétise l’idée d’égalité des regards et le discours amoureux émancipateur tels que Sciamma les a mis en place dans sa trilogie Coming-Of-Age.