À Winnipeg, un professeur colérique reproche à un élève d’avoir perdu ses lunettes, kidnappées, selon ce dernier, par une dinde. Au même moment, un guide touristique présente aux badauds ses endroits farfelus fétiches. Quant à Matthew, trentenaire introverti, il quitte Montréal pour rejoindre sa mère malade et sa terre natale…
Curieux et séduisant dispositif qu’abrite cette Langue universelle de Matthew Rankin : faire du vaste territoire du Canada un endroit où le farsi serait parlé et compris de tous, et où la culture iranienne prévaudrait, de Québec à Vancouver. Un décalage qui interroge forcément l’hégémonie actuelle de l’anglais.
Dans ce film à la temporalité éclatée – les fuseaux horaires semblant s’être évaporés –, on s’y balade affublé d’un sapin de Noël, les dindes prennent l’autocar, toute une classe tient dans un placard…
Sous ces tonalités absurdes, où semblent dialoguer Aki Kaurismäki et Abbas Kiarostami, sourd la mélancolie de Matthew, personnage campé par le réalisateur, en quête d’une « langue maternelle » propice au dialogue avec sa génitrice. Son cheminement solitaire, saisi dans des cadres étouffants, vient percuter la route de personnages qui ne sont ni tout à fait lui ni tout à fait un autre, comme pour dire l’urgence d’une symphonie universelle et le goût pour un cinéma étranger.
Une Langue Universelle de Matthew Rankin, Météore Films (1 h 29), en salle le 18 décembre