Au fin fond la Creuse, deux frères que tout oppose (Kacey Mottet Klein, impeccable dans ce rôle de taiseux, face au truculent Félix Maritaud) braquent un poids lourd chargé de smartphones, destiné à l’entrepôt où ils travaillent en tant qu’employés. On fait leur connaissance dans le bruit et la fureur de l’action – avec un match de foot crucial en fond sonore, les éclats de lumière de l’autoroute, dans une nuit qui dévore les plaines. Le lendemain, on apprendra que le chauffard est mort, et que la secrétaire de l’entrepôt, Suzanne (Olivia Côte), veuve à la tête d’une ferme agricole menacée de disparition, était de mèche…
Maxime Caperan et son coscénariste Thomas Finkielkraut (Baron noir, Tapie) jouent ce fait divers sur un mode mineur, ténu, qui emprunte à l’étude de mœurs chabrolienne autant qu’à l’énergie nerveuse d’un James Gray. Ces petits gangsters, perdants de la mondialisation, barrés de la carte des vainqueurs, ne sont que les pions d’une vaste tragédie (la fracture et le déclassement social) que le réalisateur appréhende non seulement comme une chute morale (un frère mutique, hanté par la culpabilité, l’autre obsédé par la survie) mais surtout physique.
De l’entrepôt déshumanisant où ils errent comme des robots à la forêt protectrice qui les livrera finalement à la police, tout le film procède d’un resserrement topographique. Comme dans tout western qui se respecte – l’image est en format Scope, cher à ce genre américain vers lequel Maxime Caperan lorgne -, les personnages rêvent de tutoyer le ciel, mais tout les ramène à la terre. À ce titre, la plus belle et étrange séquence du film reste celle dans laquelle les deux héros remportent un concours d’imitation de coq dans une boîte de nuit suintante. Ultime tentative, poignante et pathétique, de décoller du sol et de la misère.
Un monde violent de Maxime Caperan ( UFO Distribution, 1h25), sortie le 29 janvier