Bong Joon-ho en 4 films marquants

Cinéaste multi-primé, fin observateur des rapports de domination, le Sud-coréen Bong Joon-ho revient avec une nouvelle satire politique, « Mickey 17 », porté par un Robert Pattinson désopilant, dans la peau d’un employé jetable et qui peut mourir et renaître à l’infini pour gagner sa vie. De quoi nous donner envie de regarder de plus près l’œuvre politique de ce réalisateur, qui navigue entre thriller et science-fiction délirante.


Barking Dogs Never Bite de Bong Joon-ho
Barking Dogs Never Bite de Bong Joon-ho

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Barking Dogs Never Bite (2000) : une première comédie mordante

Après des études en sociologie (rien d’étonnant, tous ses films dissèquent avec cruauté la lutte des classes), le jeune Bong Joon-ho rentre à la Korean Academy of Fine Arts où il étudie le cinéma et réalise ses premiers courts métrages, tels que Incoherence (1994), repéré par différents festivals à l’international. Cinq ans après être sorti de l’école, il repasse derrière la caméra pour son premier long métrage, intitulé Barking Dogs Never Bite, une comédie dramatique chroniquant la vie de plusieurs habitants d’une résidence de la banlieue de Séoul.

Un mari rendu fou par les aboiements d’un chien, dont il est bien décidé à se débarrasser, une femme enceinte insupportable ou encore la gardienne étrange de l’immeuble… Bong Joon-ho observe ses protagonistes d’un œil à la fois tendre et critique. Il mélange les genres, passant du burlesque au film noir, puis à la comédie romantique, et fait surgir l’étrangeté de cette vie, d’apparence paisible, mais qui n’a pourtant rien d’ordinaire et se révèle même inquiétante.

Memories of Murder
© Les Bookmakers / La Rabbia

Memories of Murder (2003) : un thriller inspiré d’une terrible histoire vraie

Pour son deuxième long métrage, le cinéaste opère un virage à 180 degrés et s’aventure dans les méandres d’une sombre enquête médiatisée, non élucidée à l’époque. Avec Memories of a Murder, Bong Joon-ho s’approprie l’affaire du premier tueur en série sud-coréen en suivant le personnage de Park Doo-Man, détective dépassé qui affirme être capable de repérer un suspect par un simple contact visuel. Après le viol et l’assassinat d’une première femme dans la province tranquille de Gyunggi, d’autres crimes similaires ont lieu dans la région.

C’est le début d’un long-métrage haletant qui emprunte aux codes du polar occidental pour finalement s’en départir. À l’aide d’une ambiance unique, esthétique fumante où tout est suggéré, Bong Joon-ho réussi à instaurer un climat véritablement effrayant. Une mise en scène saluée par la critique, et devenue depuis une référence du thriller métaphysique.

okja
© Netflix

OKJA (2017) : le film qui a remué Cannes

Dans toute bonne filmographie figure une petite ou une grande polémique. Bong Joon-ho en a connu une lors de la présentation au Festival de Cannes de son film Okja, extraordinaire allégorie antispéciste et anticapitaliste figurée par les aventures d’un « super-cochon » génétiquement modifié et convoité pour sa viande par une multinationale.

Produit par Netflix, le film rentre dans l’histoire en devenant l’un des premiers longs métrages de la plateforme, avec The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach, à faire partie de la sélection officielle cannoise.

Mais les défenseurs du cinéma en salles voyaient alors d’un très mauvais œil l’arrivée du géant du streaming dans la compétition, d’autant plus qu’aucune sortie en salles n’avait été prévue avant sa mise en ligne. Pedro Almodóvar, alors président du Jury, l’exclut d’emblée des prétendants à la Palme d’or en déclarant : « Il est impensable pour moi de donner une Palme d’or à un film qui ne sera pas vu sur grand écran. » Un gros coup dur pour le film, qui ne l’empêche pas de devenir un véritable succès et de faire date dans la filmographie du cinéaste.

Parasite
© The Jokers / Les Bookmakers

PARASITE (2019) : le thriller de tous les records

De retour en compétition officielle à Cannes en 2019, Bong Joon-ho présente son septième long métrage, Parasite, un thriller social vertigineux sur l’engrenage infernal dans lequel s’engouffre la famille Ki-taek en se faisant embaucher pour servir les richissimes Park. Une critique sociale pointue, à la fois farcesque et tragique, qui emprunte à Claude Chabrol et Hitchcock, tout en trouvant sa propre voix, toujours plus gore et grinçante. Le film permet au réalisateur de décrocher la récompense suprême : une Palme d’or, remportée à l’unanimité du jury. Il s’agit du premier film sud-coréen à obtenir un tel prix.

Nommé par la suite aux Golden Globes et aux BAFTAS, où il remporte le trophée du meilleur film en langue étrangère, il est annoncé finaliste des Oscars dans six catégories. Il en remporte quatre, dont celui du meilleur réalisateur et du meilleur film, Parasite devenant ainsi le premier film non-anglophone à remporter la statuette. Un nombre de récompenses jusqu’alors inégalé depuis la victoire de Walt Disney en 1954 pour quatre projets distincts.

Bong Joon-ho a donc techniquement fait mieux que le père de Mickey en réalisant cet exploit avec un seul film, tour de force égalé depuis peu par Sean Baker et sa quadruple victoire pour le trépidant Anora, lui aussi couronné de la Palme d’or.

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