La semaine dernière, alors qu’on apprenait que Judd Apatow préparait un film sur le comique George Carlin, l’humoriste Mustapha El Atrassi postait sur YouTube Elle, un portrait tendre et drôle de sa mère s’essayant au stand-up. Retour sur trois documentaires qui nous ont immiscé dans l’intimité de ces grands rigolards plus sensibles qu’on ne le pense.
Jim et Andy de Chris Smith (2017)
À quel point un acteur peut-il se fondre dans un rôle au point de s’oublier? Presque personne n’a fait comme Jim Carrey l’expérience vertigineuse de la confusion d’identité. En 1999, Miloš Forman le choisit pour interpréter son idole, le comique Andy Kaufman, dans le biopic Man to the Moon. Sa performance, nourrie de son don pour les mimiques, le goût pour le déguisement et les crispations du corps, tourne rapidement à la métamorphose. Comme possédé par cet « homme sur la Lune », Jim s’abandonne à Andy, au point que ses proches s’en inquiètent… Un geste fou que le documentaire de Chris Smith, composé d’images inédites du tournage, tente de comprendre. Au-delà des archives hallucinantes – quand Jim Carrey explique avoir communiqué avec Andy par télépathie après avoir vu un dauphin, ou qu’Universal refuse de sortir le film de peur que l’acteur ne passe pour « un trou du cul« , ou encore que Miloš Forman a frôlé le burn-out – le film trouve sa grande force dans les réflexions philosophiques de Jim Carrey. Et si les acteurs étaient des coquilles vides ? comment redevenir soi après s’être mis dans la peau de quelqu’un d’autre ?
Le film est disponible sur Netflix.
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Elle de Mustapha El Atrassi (2020)
« Ils sont pas au courant, mais ils t’aiment déjà » : dans les coulisses du Point Virgule, l’humoriste franco-marocain Mustapha El Atrassi – passé par l’aventure du Jamel Comedy Club avant de fonder son propre talk-show La nuit nous appartient – coache sa maman comme sur un ring de boxe. Ce spécialiste du stand-up a l’habitude de mettre en scène son intimité dans ses spectacles acides et corrosifs. Mais ce soir, c’est à sa mère que revient la place au soleil. Mustapha El Atrassi a capturé dans un documentaire touchant leur travail à quatre mains, dont la tendresse s’explique sans doute par le jeu de miroir qu’il convoque presque inconsciemment, la mère et le fils se nourrissant mutuellement dans leur art. Un portrait de filiation qui, en creux, dessine des questionnements politiques à travers les monologues de cette mère sans filtre qui, se demandant ce que signifie être une femme musulmane voilée dans la société française, nous éclaire grâce à son témoignage.
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Monty Python, toute la vérité… ou presque de Bill Jones (2009)
Cinq anglais (Michael Palin, John Cleese, Terry Jones, Eric Idle, Graham Chapman) et un Américain, Terry Gilliam. Les Monty Python, c’est ce sextuor inoubliable, dont les aventures commencent en 1966, lorsque la BBC les recrutent pour écrire des sketches, avant de les laisser monter leur propre émission en 1969 : Monty Python’s Flying Circus. Travestissements subversifs, parodies insolentes raillant les institutions judiciaires et policières, références burlesques : cette série documentaire de Bill Jones, qui se regarde comme un marathon endiablé (il dure 6 heures en tout) nous rappelle à quel point les Monty Python ont fait de l’humour un étendard de la liberté, une arme de résistance à la norme. La grande force de la série est surtout de laisser se déployer les sketches sans les couper, pour permettre au spectateur de mieux savourer des morceaux de bravoure (À la recherche du temps perdu résumé en quinze secondes, le match de foot des philosophes) qu’on connaît par coeur mais qui étonnent à chaque fois. Le documentaire n’oublie pas de dévoiler, sous cette joyeuse camaraderie, le côté torturé de ces enfants terribles – en témoigne l’alcoolisme de Graham Chapman connu de tous et le perfectionnisme maladif de Terry Gilliam.
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Le film est disponible sur Canal Plus.
Image : Copyright Netflix / Francois Duhamel