Todd Haynes : « J’adorerais faire jouer Julianne Moore avec Kate Winslet ou Cate Blanchett »

|INTERVIEW] Au Festival International du Film de Marrakech où il donnait une masterclasse, notre cinéaste américain adoré s’est prêté au jeu de notre questionnaire cinéphile, dévoilant son amour indéfectible pour ses actrices favorites et les classiques hollywoodiens.


TODD HAYNES 3
Todd Haynes au Festival de Marrakech 2024 © TROISCOULEURS

Vos 3 actrices préférées de tous les temps ? 

Je devrais exclure les actrices vivantes, non ? Sinon, je vais citer Cate Blanchett [avec qui il a travaillé pour I’m Not There en 2007 et Carol en 2015, ndlr], Kate Winslet [avec qui il a collaboré pour la mini-série Mildred Pierce en 2011, ndlr] et Julianne Moore [avec qui il a collaboré pour Safe en 1995, Loin du paradis en 2002, Le Musée des merveilles en 2017 et May December cette année, ndlr]… Elles sont extraordinaires et j’aurais de la chance si je continue à travailler avec elles jusqu’à la fin de ma vie.

Ensuite, Bette Davis car elle n’avait peur de rien. Elle était toujours attirée par des personnages complexes, difficiles, parfois pathologiques. Elle pensait que tous les aspects du cinéma pouvaient être explorés à travers les femmes, et que les femmes devaient avoir accès à tous les types de personnages et de sujets possibles.

Et Barbara Stanwyck. Une autre actrice qui a su jouer des personnages discrédités et méprisés, et des femmes de grande envergure avec beaucoup d’aisance et de subtilité. 

À lire aussi : Cate Blanchett à propos de Carol : « Personne ne voulait voir deux femmes en train de tomber amoureuses »

L’actrice dont vous étiez amoureux à 13 ans ? 

Probablement Anne Bancroft. Le Lauréat [de Mike Nichols, 1968, ndlr] et Miracle en Alabama [de Arthur Penn, 1962, ndlr] étaient deux films que j’adorais enfant et je ne pourrais pas les imaginer sans cette actrice. 

anne bancroft
Anne Bancroft et Dustin Hoffman dans Le Lauréat © D.R.

Les actrices que vous aimeriez réunir à l’écran ?

Julianne Moore avec Kate Winslet ou Cate Blanchett ? Ça n’a jamais été fait mais ça serait fascinant. Même s’il est tout à fait possible que la pièce implose si elles y sont réunies.

3 anecdotes sur Julianne Moore ? 

Elle n’aime pas répéter. Elle a une compréhension incroyable de la manière dont fonctionne une caméra, et réussit à ajuster parfaitement sa performance à ce que la caméra voit. Elle prend vraiment au sérieux ce qu’elle fait, mais est très agréable à avoir sur un tournage.

Parce qu’elle arrive extrêmement préparée et ensuite entre les prises, elle peut se laisser aller, plaisanter… Elle ne pratique pas le « method acting » [une technique de jeu selon laquelle le comédien reste intégralement dans son personnage tout au long du tournage, ndlr].

Les 3 scènes de votre filmographie dont vous êtes le plus fier ?

La scène où Julianne Moore boit un verre de lait, en sécurité dans sa cuisine, dans Safe. On a reproduit le plan mythique qu’Alfred Hitchcock a inventé pour Vertigo [en 1958, ndlr] : un zoom et un travelling arrière. Il le fait très rapidement dans Vertigo mais dans Safe, on le fait très lentement. Les dimensions de la pièce changent, on ne sait pas vraiment ce qui se passe, mais on sent qu’une transition s’opère.

La scène finale de Carol, où Thérèse [incarnée par Rooney Mara, ndlr] revient retrouver Carol [incarnée par Cate Blanchett, ndlr] au bar de l’hôtel. C’est la scène d’ouverture du film, et on la répète à la fin du film. On boucle la boucle mais d’un point de vue différent. Ce dernier plan suggère la possibilité qu’elles renouent leur relation.

Et enfin, je vais citer une autre scène avec Cate Blanchett, dans I’m Not There cette fois. Le personnage qu’elle incarne, Jude Quinn, est une sorte de Bob Dylan en 1966. Il y a une scène où il est à une fête, dans une pièce en forme de cube avec des images projetées aux murs, inspirées de photographies célèbres de Bob Dylan, et il réprimande l’un de ses amis. C’est une des séquences les plus sombres du film. À ce moment spécifique, Cate Blanchett se transforme vraiment en Bob Dylan à cette époque. Je pense qu’on est tous les deux très fiers de cette scène. 

cate blanchett im not there
Cate Blanchett dans I’m Not There (2007)

À lire aussi : INTERVIEW. Todd Haynes :  « Créer un portrait kaléidoscopique, c’est la seule façon de raconter profondément une vie. »