Lady Ottoline Morrell dans Wittgenstein de Derek Jarman (1993)
Image (c) BFI
Dans ce film en tableaux revenant sur plusieurs étapes de la vie du philosophe anglo-autrichien Ludwig Wittgenstein– un parti-pris esthétique qui renvoie immanquablement au Thérèse d’Alain Cavalier, sorti en 1986 –, est Lady Ottoline Morrell, aristocrate britannique et compagne du philosophe Russell, ami et mentor du penseur. Collaboratrice récurrente de Jarman – à qui elle doit son premier grand rôle au cinéma dans Caravaggio (1986) – jusqu’à son dernier film Blue (également sorti en 1993), c’est avec Wittgenstein qu’on découvre son attrait pour l’extravagance et la transformation. Tantôt affublée d’amples tenues à plumes aux couleurs fluorescentes et coiffée d’un chapeau assorti, ou arborant un maquillage surréaliste aux teintes bleutées et jaunâtres, l’actrice incarne à la perfection une certaine caricature de l’aristocratie britannique.
Tilda Swinton rejoint une campagne de financement pour sauver le jardin de Derek Jarman
Penny dans Broken Flowers de Jim Jarmusch (2005)
Image (c) Bac Films
Tilda Swinton est une actrice fidèle aux cinéastes dont elle croise le chemin. Outre Derek Jarman et Wes Anderson, cette dernière entretient également une collaboration de longue date avec le cinéaste américain Jim Jarmusch. C’est par le rôle de Penny dans Broken Flowers que la comédienne fait son entrée dans l’univers mélancolique et punk du réalisateur. Elle y donne la réplique à Bill Murray, qui incarne un Don Juan vieillissant à la recherche de la mère de son fils hypothétique. Crinière brune désordonnée, langage châtié… Swinton s’acclimate dans un rôle qui tranche radicalement avec l’image élégante et sophistiquée qu’on lui connaît. Bien qu’il ne nous soit jamais donné de savoir avec certitude si Penny est la femme recherchée, on est revanche sûrs de ne jamais oublier la froideur triste qui se dégage de ce personnage brisé.
Disponible en VOD sur UniversCiné
« Broken Flowers », road-movie mélancolique de Jim Jarmusch
Dr. Shrink-Rom dans Zero Theorem de Terry Gilliam (2013)
Image (c) Concorde Filmverleih GmbH
Les mutations spectaculaires de Tilda Swinton dans Snowpiercer (Bong Joon-ho, 2013) et The Grand Budapest Hotel (Wes Anderson, 2014) sont telles qu’elles éclipsent dans leur sillage un sérieux prétendant au titre de transformation la plus étonnante. Elle apparaît vieillie dans ces deux rôles radicaux, au point qu’il est parfois impossible de reconnaître les traits caractéristiques de son visage androgyne. Une démarche qu’on retrouve dans Zero Theorem, dans lequel elle incarne le Dr. Shrink-Rom, psychiatre chargée de suivre Qohen Leth (Christoph Waltz), un informaticien tentant de déterminer le sens de l’existence humaine. Arborant une mise en plis visiblement ratée et des fausses dents excessivement grandes, Tilda Swinton joue ici la carte du grotesque et s’intègre à merveille dans l’univers loufoque de Terry Gilliam. Majoritairement présente via l’écran d’une étrange machine, elle est l’un des derniers remparts de Qohen Leth, avant sa plongée fatale dans le monde des illusions.
Disponible sur FilmoTV
Dianna dans Crazy Amy de Judd Apatow (2015)
Image (c) Universal Pictures
C’est un fait, Tilda Swinton sait tout jouer. Alors qu’on pensait avoir tout connu de ses qualités de transformiste, l’actrice démontre chez Judd Apatow qu’elle est encore capable de surprendre son public. Elle y campe le rôle de Dianna, la rédactrice en chef charismatique et autoritaire d’un magazine masculin pas franchement enclin à s’encombrer de valeurs progressistes. Swinton adopte ici un look faussement californien – combo balayage-dents trop blanches-bronzage factice. La magie opère lors de la « scène du pitch » (à voir ci-dessous), dans laquelle elle assigne les sujets du mois à son équipe de rédacteurs sans morale : le relooking est si réussi qu’on se surprend à passer l’intégralité de la séquence à essayer d’identifier cette actrice dont les traits nous semblent pourtant si familiers.
Disponible en VOD sur MyCanal
« Memoria » : en terre inconnue
« La femme » dans La Voix Humaine de Pedro Almodóvar (2020)
Image (c) Iglesias Mas
Juste avant Memoria, Tilda Swinton faisait son entrée dans l’univers bariolé du réalisateur espagnol avec La Voix Humaine. Dans cette adaptation de la pièce éponyme de Jean Cocteau, elle campe le rôle d’une femme dans l’attente désespérée du retour de l’homme qui vient de la quitter. Après une pléiade de rôles tirant parti de son goût pour la métamorphose – de Doctor Strange (2016) à The Dead Don’t Die (2019), en passant par Okja (2017) –, l’actrice semble enfin avoir été percée à jour par Almodóvar, ce dernier lui offrant ici un rôle à contre-courant de ses personnages extravagants : effronté, sensible et tout en nuances. Au-delà du simple portrait de femme blessée, La Voix Humaine est aussi une véritable réflexion introspective sur le statut d’actrice. Vêtue de tenues haute couture soigneusement choisies par le réalisateur (et chef décorateur !), dont l’extravagance et l’éclat tranchent avec la solitude morose exprimée par son personnage, Tilda s’interroge métaphoriquement sur sa propre condition de femme confrontée au jeunisme hollywoodien, et dans un ultime élan enflammé choisira finalement d’embrasser l’avenir et ses infinies possibilités.
Disponible en VOD sur UniversCiné
Mostra de Venise 2020 : on a vu « La Voix humaine » de Pedro Almodóvar
Image de couverture (c) British Film Institute