Steven Spielberg, un réalisateur sous influence

A l’occasion de la sortie de « The Fabelmans », plongée monumentale dans la jeunesse et la vocation précoce de Steven Spielberg, on vous emmène à la découverte des grands noms qui ont marqué le cinéaste, de Kurosawa à Ford en passant par Kubrick.


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BYRON HASKIN

Après avoir été directeur de la photographie et spécialiste des effets spéciaux, Byron Haskin fait ses débuts en tant que réalisateur chez Warner Bros en 1927. Son film La Guerre des mondes (1957) est peut-être celui qui a le plus donné envie à Spielberg de faire de la science-fiction. Bien avant E.T, cette histoire d’aliens est une source d’inspiration pour le réalisateur : l’usage des effets spéciaux (villes démolies, paysages calcinés et personnes incendiées accentuent la terreur qui règne sur le film) y est particulièrement novateur pour l’époque. Le réalisateur a eu une telle emprise sur Spielberg que celui-ci décide, en guise d’hommage, de faire un remake de du film en 2005, transposé dans notre monde moderne, où l’invasion alien se transforme en métaphore de la paranoïa post 11-septembre. Le saviez-vous ? On retrouvera également une navette spatiale du film d’origine dans Ready Player One, véritable nid à références cinématographiques.   

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JOHN FORD

Sans conteste, il est le maître à penser de Steven Spielberg, qui aurait vu une douzaine de fois La Prisonnière du désert, dont deux pendant le tournage de Rencontres du troisième type, comme nous l’apprend Vanity Fair. Pas étonnant que sa filmographie soit gorgée de clins d’œil au maître du western – on pense notamment à cette scène d’E.T L’extraterrestre, dans laquelle le personnage d’Elliot regarde L’Homme tranquille, film sur un boxeur qui retourne dans son pays natal après avoir tué accidentellement un de ses adversaires lors d’un combat. Une référence amoureuse décortiquée par un article de Crumpe : « Lors du tournage du film, Spielberg a déclaré que Ford était “comme un peintre classique, qui célèbre le cadre, et pas seulement ce qu’il y a à l’intérieur”. Les deux scènes se reflètent ; Elliot offre une protection et une sécurité à ET, similaires à la façon dont Sean Thornton (John Wayne) protège Mary Kate Danaher (Maureen O’Hara) de la pluie. ». L’homme tranquille apparaîtra également sous la forme d’une affiche dans The Fabelmans. L’obsession vertigineuse pour John Ford ne s’arrête pas là. Spielberg va jusqu’à le faire renaître dans son film, sous les traits d’un autre grand cinéaste contemporain : David Lynch.   

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ALFRED HITCHCOCK

Le grand maître incontesté du suspens, Alfred Hitchcock, figure parmi les plus grandes inspirations de Spielberg. Dans Les Dents de la mer, Spielberg reprend les jeux de caméras adoptés dans Psychose ou Les Oiseaux, afin de faire monter le suspens, et signaler la peur en montrant les visages terrifiés des protagonistes, tout en dissimulant l’objet de cette terreur. Les deux réalisateurs partent de décors aux plans larges (une plage, une baie…) puis resserrent l’échelle de cadrage au fur et à mesure que la tension monte, avant de terminer sur des plans qui se déroulent en huis clos : à la fin des Oiseaux, les personnages s’enferment dans une petite pièce pour tenter de fuir la menace qui les entoure, tandis que les personnages des Dents de la mer se retrouvent bloqués dans la promiscuité d’un bateau. Autre hommage : Spielberg reprend dans son film l’alternance entre jumpscare et scènes plus lentes, où la tension monte progressivement afin d’obtenir ce même effet surprise/attente que déploie Hitchcock dans son cinéma.

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AKIRA KUROSAWA

Les Sept Samouraïs d’Akira Kurosawa fait partie des œuvres que Spielberg regarde inlassablement – il définit d’ailleurs le cinéaste japonais comme le « Shakespeare pictural de notre temps », rien que ça.  L’affection particulière qu’il porte au film provient de la puissance de ses scènes d’action. Elles ont été une source d’influence majeure pour la conception d’Il faut sauver le soldat Ryan : un nombre très élevé de figurants, des scènes de combat magistrales filmées sous plusieurs angles grâce à de multiples caméra, nous donnent l’impression, comme chez Kurosawa, d’avoir une vision globale, presque à 360°, des différents affrontements. Enfin, on peut apercevoir un hommage à l’œuvre de Kurosawa dans Ready Player One Toshirô Mifune, acteur fétiche d’Akira Kurosawa (Rashômon, Les Sept Samouraïs), y apparaît sous forme d’avatar.  

SCÈNE CULTE · « Rashōmon » d’Akira Kurosawa

STANLEY KUBRICK

Le cinéma de Spielberg est traversé par un goût pour le spectaculaire, les jeux d’échelle entre minuscule et gigantesque, le fantasme de la conquête spatiale, qui sont aussi au cœur de 2001 L’odyssée de l’espace. Ce dernier a d’ailleurs inspiré le style de Rencontre du troisième type  : la communication par la musique, les effets de lumière, la ressemblance du vaisseau mère avec celui de2001 sont des éléments clés qui tissent des ramifications entre les deux œuvres. Shining a tout autant marqué Spielberg – il a d’ailleurs rencontré Kubrick pour la première fois sur le tournage du film. Impressionné par le décor, l’atmosphère d’angoisse de ce chef-d’œuvre horrifique, Spielberg l’a regardé plus de 25 fois avant d’intégrer à l’identique l’hôtel Overlook dans Ready Player One. Cette complicité poussera même Spielberg à reprendre en 2001 l’adaptation d’A.I Intelligence Artificielle, idée imaginée par Kubrick, qui avait acheté les droits du livre.