Le cinéma de Claire Denis est une vision pessimiste du monde, une façon de raconter l’impossible fusion des corps, de toujours filmer le désir contrarié au plus près de la peau. Une sorte de cinéma préliminaire dans lequel l’orgasme est impossible. Parce qu’il y a une cruauté, une crudité même chez Claire Denis. Tout est affaire de transaction, de compromis. Cette vision noire du monde, elle la partage avec le romancier américain Denis Johnson, dont elle adapte ici le roman éponyme paru au cœur des années 1980. Transposée dans le Nicaragua de 2020, en pleine épidémie de Covid-19, cette rencontre entre une journaliste trouble (Margaret Qualley, révélation) et un homme d’affaires anglais pas si net (Joe Alwyn) prend la forme d’une échappée impossible.
Le récit d’espionnage, traversée de paranoïa et de violence, crée une menace nébuleuse qui pousse les corps à se rapprocher, à espérer trouver dans l’autre une issue de secours. Claire Denis filme ici la romance supposée naître du danger comme un échange pour la survie, le sexe comme une transaction financière. Hypnotique par la grâce de sa mise en scène très sensorielle, le film nous oblige à nous cogner à ces deux héros cyniques mais terriblement humains.
Stars at Noon de Claire Denis, Ad Vitam (2 h 17), sortie le 3 mai