Tes trois scènes de cul préférées au cinéma ?
La scène lesbienne avec Chantal Akerman dans Je, tu, il, elle (1974) : c’est très vrai, à la bonne distance, juste un peu foireux, avec ces deux « vrais » corps, ce son minimal des années 1970… C’est autre chose que La Vie d’Adèle (2013) qui pue le regard masculin, on ne voit pas l’amour, c’est mécanique, ça sent l’effort. Ensuite dans L’Humanité (1999) de Bruno Dumont, il y a cette scène dans la chambre de la protagoniste, un échange assez brut, un tout petit peu glauque, ça m’avait électrisée. Et puis la séquence d’ouverture de Love (2015) de Gaspar Noé : la lumière et les couleurs sont sublimes, avec ces deux corps nus dans une position très originale, et puis ça dure, on a l’impression de pénétrer l’inimité d’un vrai couple qui prend son temps.
https://www.youtube.com/watch?v=IwTmQeybYtQ
Tes trois héroïnes préférées ?
Gena Rowlands chez Cassavetes, pour son côté débordant, elle occupe le cadre comme personne. Björk dans Dancer in the Dark (2000), pour la radicalité sidérante de cette héroïne de mélo. J’aime les personnages féminins de Lars Von Trier : Charlotte Gainsbourg dans Antichrist (2009), Kirsten Dunst dans Melancholia (2011)… Je sais que qu’on dit qu’il est misogyne mais pour moi c’est un non-sens : ses héroïnes sont au centre, ne sont pas des accessoires, elles agissent, elles sont d’une modernité folle, je me projette complètement en elles !
Trois réalisateurs, vivants ou morts, avec qui tu aimerais dîner ?
Je n’aimerais pas rencontrer mes idoles parce que c’est souvent décevant, et puis je ne me sentirais pas à la hauteur. Je choisirais un trio de Québécois : Chloé Robichaud, Stéphane Lafleur et Denis Côté, les trois en même temps. Déjà parce que j’aime leurs cinémas, ce sont des formalistes, ils travaillent comme des photographes. Et puis je me sentirais en terrain connu vu que j’ai grandi au Québec, ça me plongerait dans une forme de nostalgie, de chaleur, de bienveillance.
Le film que tu regarderais à trois heures du mat’ une nuit d’insomnie ?
Une femme est une femme (1961) de Godard, que j’ai découvert vers 3heures du mat’ sur une chaîne québécoise. Il y a plein de trouvailles dans le décor, une folie, une fraîcheur, c’est réconfortant en pleine nuit. Je ne pensais pas Godard capable d’une telle légèreté, d’ailleurs je crois qu’il a renié le film par la suite.
Trois baisers de cinéma qui t’ont marquée ?
Au cinéma, je les oublie vite, c’est devenu un passage obligé. Selon moi, c’est plus un enjeu dans les séries : comme le temps est plus dilaté, le baiser est un moment dramatiquement chargé. Par exemple dans Rectify : en voyant le premier baiser du héros emprisonné vingt ans à tort pour une affaire de viol, on assiste aux tâtonnements de la sexualité d’un homme de 40 ans très inhibé qui n’en a jamais eue, c’est hyper fort. Sinon je me souviens dans Mad Men, d’un baiser adultère entre Don Draper et une de ses employées, et puis dans Girls, dans la dernière saison, je ne veux pas spoiler mais il y a un baiser qui scelle une trahison et qui est assez mémorable.
Tes trois fins de films préférées ?
La fin très inattendue et éblouissante de Buffalo 66 (1998) de Vincent Gallo. C’est une sombre affaire d’évasion, mais ça finit dans un tout autre genre, dans l’amour et l’insouciance. Celle du Cheval de Turin (2011) de Béla Tarr. C’est un film très métaphorique sur la fin du monde qui se termine dans le noir complet, sans eau, sans lumière. C’est d’une poésie et d’une épure bouleversantes. Et puis le plan final sur la photo d’archive accrochée au mur dans Shining (1980) où on découvre Nicholson, ça glace le sang. Chaque fois que je le revois, j’espère qu’on ne verra pas cette photo, que c’était un cauchemar !
Très Intime de Solange (Payot, 288 p.)
Retrouvez Solange sur sa chaîne Solange te parle