
« Virgin Suicides » (2000)
Musique lancinante, tension sexuelle, adolescences affligées filmées à fleur de peau. C’est la recette du succès de Virgin Suicides, objet esthétique obsédant, devenu une référence du teen movie d’auteur, labélisé 100% nostalgique des années 1990-2000. Sofia Coppola nous emmène dans l’Amérique puritaine des années 1970, à la rencontre des sœurs Lisbon, cinq jeunes filles rayonnantes, blondes et angéliques (Kristen Dunst, Andrea Joy Cook, Chelse Swain, Hanna Hall, Leslie Hayman), venue d’une famille catholique très rangée de la banlieue huppée du Michigan.
Bien que l’on comprenne dès le début du film (et même dès la lecture du titre), la destinée tragique des adolescentes, Sofia Coppola nous transporte avec elles, les filmant avec passion et sincérité, dans chacune de leur trajectoire, à mesure que le contrôle parental et moral devient de plus en plus oppressant, à la suite du suicide de la cadette, Cecilia. Un film sans pareil qui marque un tournant dans la représentation de l’adolescence féminine au cinéma. Porté par la musique électro-planante de Air, Virgin Suicides est un cauchemar éveillé – et aujourd’hui encore, il suscite des relectures antagonistes. Grand film sur l’oppression patriarcale ou parfait exemple du male gaze ? En tout cas, on a envie de le revoir pour trancher (ou pas.)
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« Lost in Translation » (2016)
Second long métrage et c’est déjà la consécration. Avec Lost in Translation, la fille de Francis Ford Coppola reçoit les honneurs d’Hollywood (dont l’Oscar du Meilleur scénario original) pour cette comédie dramatique, douce-amère, tournée à Tokyo, qui suit les aventures de deux Américains (Scarlett Johansson et Bill Murray) perdus dans leur vie, et dans l’immensité japonaise, au milieu d’une culture qui leur est étrangère.
Lui est acteur, elle, jeune diplômée venue accompagner son mari photographe. De leur rencontre impromptue naît un grand film sur l’amitié, traversé par le désarroi et l’ennui, entre drôlerie et mélancolie, et porté par une esthétique pastel, qui deviendra par la suite, la marque de fabrique de la réalisatrice.
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« Marie-Antoinette » (2006)
Pour sa première incursion dans le film d’époque, Sofia Coppola lâche finalement les chiens. Elle retrouve à cette occasion l’actrice Kirsten Dunst, héroïne de son premier film, à qui elle fait porter la lourde responsabilité de devenir Marie-Antoinette, la promise du dauphin et futur roi de France, Louis XVI. Avec ce faux biopic irrévérencieux, la cinéaste déchaîne les passions en transcendant les styles et la vie de la jeune autrichienne, pour en faire un film à son image, secouée d’une esthétique résolument pop.
Nouveau récit de passage à l’âge adulte, Marie-Antoinette fait fi des convenances rattachées à la fidélité historique et saute droit dans le mur à coups d’anachronismes, et d’une bande son composée de chansons rock des années 1980. Une mise en scène jusqu’au-boutiste qui en fait un film de premier plan dans la filmographie de la cinéaste. Adoré, ou détesté, Marie-Antoinette, c’est la fête, l’ivresse et la mode. Jusqu’à la terrible chute.
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« The Bling Ring » (2013)
À l’heure des réseaux sociaux et du quart d’heure de célébrité prédit par Andy Warhol, et alors que la télé-réalité est partout, tout le temps, à n’importe quelle heure et sur n’importe quel Instagram, on regarde The Bling Ring comme une drôle de prémonition. Suivant un groupe d’adolescents cambrioleurs de star (dont Emma Watson), complètement obsédé par la vie de Paris Hilton et de Lindsay Lohan, le cinquième long métrage de Sofia Coppola retrace les prémices de notre monde moderne, où les stars qui agitent la toile sont vectrices du désir des internautes, celui de faire comme elles, de s’habiller comme elles.
C’est ce désir mimétique qui motive la bande de The Bling Ring à passer à l’acte et qui motive aujourd’hui de nombreux adolescents à acheter les produits dérivés de leurs influenceurs préférés, pour avoir un petit bout de leur idole avec eux. Avec un regard ironique teinté de tendresse, Sofia Coppola brosse là le portrait de ces jeunes ados ancrés dans leur époque, biberonnés à la télé-réalité et qui désirent tout ce qu’on leur a mis sous les yeux : la richesse, la fête et la vie facile. Quel jeune ado n’a jamais rêvé de ça ?

« Les Proies » (2020)
Retour au film d’époque pour Sofia Coppola avec Les Proies, un thriller adapté du roman de Thomas P. Cullinan, porté par Nicole Kidman, Elle Fanning et l’habituée Kirsten Dunst. En 1864, en Virginie, un pensionnat pour jeunes filles vit loin des conflits de la guerre de Sécession. Jusqu’au jour où un soldat gravement blessé (Colin Farrell) est retrouvé près de l’école par l’une des élèves. Les femmes du pensionnat décident alors de le remettre sur pied et cette présence masculine va semer le trouble dans la tranquillité de la demeure.
Filmé avec un point de vue féminin, en contrepied de l’adaptation de 1971 avec Clint Eastwood, cette nouvelle version questionne le désir contenu de ces femmes qui finiront par s’affronter pour obtenir les faveurs du nouveau venu, jusqu’à commettre l’impensable. Plus noir que ses précédents films dans l’esthétique – une photographie crépusculaire – le film de Sofia Coppola l’est aussi du point de vue scénaristique, sans pour autant s’éloigner des sujet qui la préoccupe, à savoir le désir et la morale qui pèsent sur les jeunes femmes.

« Priscilla » (2023)
Dernier en date, le huitième long métrage de la réalisatrice est un film biographique consacré à Priscilla Beaulieu, épouse d’Elvis Presley, racontant ses jeunes années passées au bras du King. Avec Priscilla, Sofia Coppola s’attaque au portrait d’une adolescence meurtrie par la relation entretenue avec un homme de dix ans son aîné, alors que la jeune fille n’en avait à leur rencontre seulement quatorze.
Entre manipulation, contrôle de l’image et solitude extrême, Priscilla se retrouve finalement piégée dans une spirale infernale. Une histoire qu’elle a raconté dans ses mémoires, que Sofia Coppola adapte ici, avec dans les rôles principaux Cailee Spaeny et Jacob Elordi. Tout en contraste, le film, à huis clos, défait le mythe pour creuser du côté des travers de la célébrité et du pouvoir exercé depuis son piédestal, le tout en rendant justice au tendre personnage de Priscilla. Comme souvent chez Coppola, les palais sont des prisons dorées – et les héroïnes s’en échappent au prix d’y laisser quelques plumes.
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