« Septembre sans attendre » de Jonás Trueba : vertiges du couple

[CRITIQUE] Toujours aussi méticuleux dans son observation du sentiment amoureux, Jonás Trueba – dont c’était la première sélection cannoise cette année, à la Quinzaine des cinéastes – propose un film qui sait écouter l’arythmie d’un amour qui s’en va.


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Ensemble depuis quatorze ans, Alex, comédien, et, Ale, réalisatrice, ont fait le choix de se séparer. Inspirés par l’adage qu’assène à l’envi le père de cette dernière, selon lequel la fin d’un amour mérite célébration, ils entreprennent d’organiser une fête et en font progressivement l’annonce à leurs proches. Si les réactions divergent, Alex et Ale ne semblent pas fléchir, tout en ne parvenant jamais bien à se défaire de la quotidienneté si constitutive de leur couple… Il y a quelque chose d’Un jour sans fin dans ce nouveau Jonás Trueba, chantre de la nouvelle garde du cinéma espagnol, révélé en France avec Eva en août en 2020. S’y enchaînent des scènes semblables, comme pour épuiser l’annonce que répète inlassablement le couple en déroute, et toucher l’essence brute de ce qui fait leur lien. Dans cette recherche utopique, le film s’adjoint l’aide de son héroïne, cinéaste et en plein montage… du film que l’on est en train de visionner. La fluidité vertigineuse avec laquelle ces deux niveaux de récit se rejoignent amène une réflexion aussi maligne que ludique sur ce qu’on se raconte à soi-même face à une relation qui se meurt.

Jonás Trueba : « C’est important de sentir la caméra comme une amie, une confidente »

S’y révèle aussi la volonté de Jonás Trueba de faire vivre l’œuvre qu’il a entreprise, voilà bientôt quinze ans, avec une même troupe de comédiens et en un même territoire, la ville de Madrid, parcourue à des allures variées mais toujours au creux de l’été et de la densité de son silence. D’un pas vif ou en traînant du pied, dans l’empressement du renouveau ou dans l’incertitude de ce qui est à venir, le montage épouse les atermoiements des personnages, tout en racontant l’évolution du lien créatif que nourrit Jonás Trueba avec ses deux acteurs, Itsaso Arana et Vito Sanz, coscénaristes du film. Friand de références à ses idoles, qu’il distille au gré des échanges entre ses personnages, le prolifique cinéaste – il s’agit de son quatrième film en cinq ans – propose une déambulation délicate dans le sentiment amoureux et en extrait une cartographie subtile, extrêmement moderne dans son attention aux oscillations presque imperceptibles dans les relations de couple.

Image : © Les Films du Worso