Scène culte : « Les Lèvres rouges » de Harry Kümel

Ce film à l’ambiance érotico-kitsch d’Harry Kümel, dans lequel Delphine Seyrig interprète une vamp dangereuse, est à découvrir sur Arte en ce moment. L’occasion de revenir, en une scène culte, sur ce beau film sensuel.


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Un hôtel désolé à Ostende en plein hiver, des crimes sanguinolents et des étreintes saphiques, aussi mortelles que sensuelles. Voilà le point de départ des Lèvres rouges du Belge Harry Kümel, bijou fantastico-érotique longtemps resté confidentiel, avant de devenir un incontournable du cinéma queer.

Delphine Seyrig, chevelure blonde peroxydée, sourcils fins à la Marlène Dietrich, y joue une vamp lesbienne vénéneuse – inspirée de la véritable comtesse hongroise Élisabeth Báthory – qui attire dans ses filets Valérie, une jeune femme tout juste mariée (Danielle Ouimet). Se créé alors un quatuor amoureux avec le mari de cette dernière (John Karlen) et la servante chaste de la comtesse (Andrea Rau).

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Ce jeu de séduction pervers, fait d’étreintes violentes, rehaussé par une ambiance kitsch – la couleur carmin du rouge à lèvres et des ongles de Seyrig servant de leit-motiv obsessionnel – culmine dans une des séquences finales du film, épilogue crépusculaire en forme de réincarnation. Après avoir commis un meurtre, Valérie et la comtesse se débarrassent du corps dans la nuit bleutée, presque métallique, par dessus le balcon. Alors que les murmures du vent résonnent comme le cri d’un monstre lointain, les feux d’une voiture transpercent la nuit dans un plan abstrait, formant des halos de lumières graphiques. Les deux amantes maudites s’enfuient en voiture et jettent le cadavre à l’eau, protégées par les ténèbres auxquelles Harry Kümel donne des contours expressionnistes – les branches des arbres devenant des mains rachitiques.

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Mais le jour pointe, il faut accélérer (« Plus vite ! Plus vite », susurre la comtesse à Valérie), et un travelling avant inquiet sur la route sinueuse nous prépare à l’inévitable : le soleil aveuglant traverse les vitres, et les corps si majestueux des deux succubes se recroquevillent dans une série de plans saccadés, juste avant que la voiture ne s’écrase. S’en suit une image digne des meilleurs films d’horreur : empalée sur un arbre, Delphine Seyrig, dont la silhouette à contre-jour n’est plus qu’un amas de chair que les flammes dévorent peu à peu, se consume.

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Mais si l’enveloppe charnelle de la comtesse s’est décomposée, sa voix, elle demeure, comme l’indique le magnifique épilogue du film. Le spectateur y comprend que le timbre langoureux de cet être éternel s’est greffé dans la peau de Valérie, survivante de l’accident…De quoi nous rappeler que Les Lèvres rouges, en plus d’être un film sur le désir destructeur, est aussi une déclaration d’amour à la voix veloutée de Delphine Seyrig.

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Les Lèvres rouges de Harry Kümel, ressortie chez Malavida le 22 juin