Injecter du moderne dans le classique, du vitriol dans la naphtaline : tel semblait être le projet de Sarah Bernhardt, icône du théâtre français née en 1844. Tel semble aujourd’hui être celui de Guillaume Nicloux (La Petite, 2023), qui consacre un film à la grande comédienne.
Pour éviter le biopic ronflant, le cinéaste se rit des codes et joue notamment avec la temporalité : il éclate la chronologie du récit et sème les anachronismes avec un sens aigu de l’ironie. Il n’en fallait pas moins pour rendre hommage à cette tragédienne intense jusqu’à l’excès.
Dans le rôle-titre, Sandrine Kiberlain fait des merveilles : jamais dans l’imitation, elle restitue parfaitement le charisme et la soif de liberté de celle qu’elle incarne. Tapageur et exalté, le film explore la noirceur de son héroïne, éplorée lorsqu’elle réalise que Lucien Guitry (Laurent Lafitte, également à l’affiche du Quatrième Mur, en salles le 15 janvier) est en train de la quitter.
Signe de la grande liberté du film, cette histoire d’amour est le pur fruit de l’imagination de la scénariste Nathalie Leuthreau. Une façon singulière de pointer du doigt les contradictions de celle qui, sous ses allures d’impitoyable fauve, montrait des signes de dépendance affective. Metteur en scène prolifique et protéiforme, Guillaume Nicloux réussit son portrait avec autant de classe que de mordant.
Sarah Bernhardt, La Divine de Guillaume Nicloux, Memento (1h38), sortie le 18 décembre