Dans les montagnes islandaises, à la fin du Moyen Âge, Katla et sa sœur cadette, Margit (Björk), toutes deux accusées de sorcellerie, trouvent refuge chez Jóhann, un paysan isolé, veuf et père d’un petit garçon prénommé Jónas. Librement inspiré du Conte du genévrier des frères Grimm, Quand nous étions sorcières narre le quotidien de cette famille se constituant à l’abri d’un monde qui semble en avoir condamné chacun des membres. Dans le superbe noir et blanc de ce film réalisé en 1989 par la méconnue Nietzchka Keene, la lente formation de cette famille de circonstance trouve autant de variations qu’elle compte d’âmes en son sein.
C’est ce paysan qui, tout juste veuf, va aimer Katla malgré la défiance et l’hostilité de son fils à l’égard de celle-ci; c’est aussi l’amitié qui se noue entre Margit et le jeune Jónas, qui ont tous deux perdu leur mère dans leur prime enfance; ou encore la façon dont les duos masculins et féminins de départ apprennent respectivement à mieux se connaître.
Dans cet apprentissage de la vie et du deuil, placé sous influence bergmanienne, Keene opère des ruptures plastiques et fantastiques qui détonnent avec le reste du film, épuré et prosaïque. Car la jeune Margit, en plus d’effleurer l’éphémère stabilité d’un foyer, apprend surtout à se familiariser avec ses propres pouvoirs magiques, jusqu’alors enfouis.
Ce n’est qu’ainsi, en acceptant la noirceur dissimulée au plus profond de son être, qu’elle pourra sereinement accueillir les ténèbres indissociables du monde qui l’entoure.
Quand nous étions sorcières, de Nietzchka Keene, Les Bookmakers / Capricci Films (1h19)