
Cet article fait partie de notre nouvelle rubrique, HA HA HA !, tenue par notre journaliste Renan Cros, qui chronique d’un point de vue personnel une tendance dans le monde de l’humour.
J’allais écrire « ça me fait rire », mais on commence à se connaître, vous et moi, ne faisons pas de manières. Une glissade, des bras qui partent en l’air à la recherche d’une aide illusoire, et l’envie de pouffer fort. C’est un mystère qui date au moins, à mon avis, du premier homme des cavernes qui a dû glisser sur une fougère humide et fait marrer toute la tribu. Pendant sa chute, surpris et un peu honteux, il a dû faire deux découvertes : la gravité, ça fait mal, mais ça fait rire les autres ; la naissance d’une longue lignée de héros à venir. Car oui, pour moi, les gens qui dérapent, glissent, ratent une marche ou même carrément s’étalent, sont des héros de la nation.
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Évidemment, quand il n’y a pas de bobo. Juste un peu d’amour propre égratigné. Ces gens-là nous offrent un espace pour respirer. Le plongeur olympique Alexis Jandard qui, en avril dernier, se gamelle, très digne, devant les caméras ? Légion d’honneur, merci. La chanteuse Shy’m qui en 2015, tandis que la France est pétrifiée par la tristesse et l’effroi, s’élance avec toute l’énergie possible dans la fosse de son concert et se vautre ? Standing ovation à jamais. Le petit chat mignon d’Internet qui rate son saut et dérape ? Prix Nobel ou rien. Des concentrés de « pas prévu », des chefs-d’œuvre de « faire avec », des petits précis de philosophie, en plus d’être des vidéos à toujours avoir sous la main quand tout vous écrase. Tomber, se relever. Ne plus lutter contre le chaos, mais se laisser partir avec. Les Anglais ont compris ça mieux que nous.
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La patrie de Mr Bean et d’Absolutely Fabulous a toujours eu l’élégance de s’inventer des modèles défaillants. Des concentrés de désordre devenus des trésors nationaux, comme Paddington et Bridget Jones : un gentil ours, une célibataire « All by Myself ». Deux personnages qui ne rêvent que d’une chose : se fondre dans la masse, ressembler aux autres. Et plus ils essaient, plus ça déconne, et plus on les aime. Car ils nous montrent tout ce qu’on s’inflige pour tenir droit, tout ce qui nous enferme dans la norme alors qu’une autre façon de marcher est possible. C’est pour ça que ces films sont autant de refuges. Dans les pas de Paddington et de Bridget, on apprend à tomber et à se relever. Le chaos fait partie de nos vies, ça ne sert à rien de lutter, mieux vaut accompagner le mouvement. Promis, la prochaine fois qu’on mordra la poussière, ce sera avec le sourire.
Paddington au Pérou de Dougal Wilson, StudioCanal (1 h 46), sortie le 5 février, dès 8 ans
Bridget Jones. Folle de lui de Michael Morris, StudioCanal (2 h 10), sortie le 12 février